La fin du plan de vaccination pourrait être reportée à novembre
Selon un document confidentiel, le plan de vaccination belge pourrait durer plus longtemps que prévu. En cause: l’approvisionnement hésitant en vaccins, mais aussi des couacs au niveau des autorités.
Publié le 24-02-2021 à 21h14 - Mis à jour le 26-02-2021 à 18h23
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Dans quelle mesure la campagne de vaccination sera-t-elle retardée en Belgique ? Nous avons pu consulter un document confidentiel émanant du commissariat Corona du gouvernement fédéral. Cette note, datée du 22 février 2021, dresse un tableau précis de l’état des livraisons de doses de vaccins, passées et à venir, firme par firme, mois par mois.
On le sait, les mauvaises nouvelles ont tendance à s’accumuler ces derniers temps : la Belgique, comme d’autres pays, ne pourra pas maintenir le rythme prévu initialement dans la vaccination. Les délais s’allongent. Et, dans les différentes analyses prospectives du commissariat Corona, un scénario envisage un report jusqu’à novembre de l’achèvement de la vaccination de 70 % de la population. Ce modèle pessimiste repose sur l’hypothèse d’une livraison pour l’ensemble de l’année de seulement 70 % des doses commandées à Pfizer et Moderna et de 50 % pour Johnson&Johnson, AstraZeneca et Curevac.
"Fin novembre, ce n’est pas ce sur quoi on travaille", tempère Christopher Barzal, en charge de la communication pour la task force vaccination. "Dans les faits, quand on fait la moyenne (des doses disponibles et des annonces de livraison, NdlR), la phase 2 (qui concerne la population générale, NdlR) commencerait aux alentours du mois de mai. Mais cela va dépendre d’une Région à l’autre, de la capacité à vacciner dans les centres de vaccination, etc. Fatalement, en fonction des vaccins et de la date à laquelle la première injection a été donnée, la deuxième intervient dans un certain délai. Mais l’objectif est de pouvoir aboutir en période d’été, aux alentours de la fin août, septembre, dans ces eaux-là."
Notons que la date du début de la phase 2 (vers début mai, donc) n’est pas remise en question par le document que La Libre a pu consulter. C’est bien la fin de cette phase de vaccination qui est envisagée, en fonction des fluctuations de livraisons précitées. Des livraisons qui sont prévisionnées, pour trois firmes, jusqu’à… décembre 2021 (plus de trois millions de doses sont attendues pour les mois de novembre et décembre.)
Par ailleurs, la task force n’exclut pas que les phases en cours, incluant les professions de santé de première ligne et les institutions collectives de soins, soient impactées, à hauteur d’un mois de retard, selon ses calculs les plus pessimistes…
"Je ne vous cache pas que la gestion des livraisons, qui n’est pas une question purement belgo-belge mais européenne, implique beaucoup de souplesse dans ces prévisions et adaptations, appuie Christopher Barzal. Effectivement, il y a des doses de vaccins qui ne sont pas livrées - AstraZeneca - mais, parallèlement à cela, il faut ajouter l’arrivée de nouveaux vaccins : on a toute une série de variables qu’il faut prendre en compte et pas seulement les trois vaccins que l’on a aujourd’hui…."
"Quel amateurisme !"
Parmi les décideurs politiques, par contre, les retards dans la vaccination et la perspective établie dans le document du commissariat Corona commencent à inquiéter. Selon nos informations, certains, au plus haut niveau, évoquent la possibilité de n’élargir la "bulle sociale" qu’à partir de… juin. Une conséquence concrète d’un tel gel du déconfinement : les grands festivals estivaux de musique ne pourront pas avoir lieu. Ou alors, ils seront reportés à l’automne, lorsque la vaccination aura suffisamment progressé.
"La comparaison de la vaccination en Belgique vis-à-vis des autres pays européens va être cruelle", déplore un responsable politique de haut rang. Notre source pointe des responsabilités gouvernementales : "On n’a pas de tableau de bord clair sur l’approvisionnement, on ne sait pas quel jour et à quelle heure on recevra quel type de vaccin…. Et personne ne connaît la différence exacte entre les doses que l’on espère recevoir et celles que l’on obtient effectivement. En plus, les problèmes logistiques actuels s’accumulent : bugs informatiques, erreurs de destination des invitations à se faire vacciner, doublons, etc. On a aussi un sérieux problème en lien avec le respect de la vie privée : comment va-t-on s’assurer, par exemple, que telle ou telle personne peut avoir le vaccin en priorité car elle a des facteurs de comorbidité ? Certains veulent puiser dans les bases de données des mutuelles… Mais le Conseil d’État vient de critiquer vertement le projet d’accord de coopération en matière de gestion des données privées. Quel amateurisme !"
AstraZeneca doit assurer
Pour l’heure, la task force se veut confiante et, si le timing des différentes phases peut varier, la stratégie "ne change pas fondamentalement", note Christopher Barzal. Mais, pour mener à bien la vaccination complète de la population avant l’automne, la task force table tout de même sur une augmentation très significative des livraisons dès le mois prochain. Et sur la solidité de certaines firmes qui ont pu décevoir jusqu’ici. En mars, c’est près d’un million et demi de doses qui doivent être livrées, dont plus de 700 000 du côté… d’AstraZeneca. En avril, l’on table sur plus de deux millions de doses, dont plus d’un million à la charge de la seule firme anglo-suédoise. En mai, l’on escompte plus de quatre millions de doses, dont plus de deux millions et demi pour la seule firme Pfizer. En juin, cette même firme est supposée livrer plus de 2 800 000 doses sur près de cinq millions de doses.
La stratégie envisage de ne pas trop s’appuyer sur certains fournisseurs - du moins à l’heure actuelle. À l’image de CureVac, dont il est attendu que l’entreprise livre autour de 400 000 doses à partir de juin.
D’autres fournisseurs devront, eux, se montrer efficaces assez rapidement : il est attendu que Johnson&Johnson, par exemple, commence à livrer dès avril (près de 300 000 doses), et parvienne à fournir plus d’un million de doses dès juin prochain et jusqu’en septembre. Un mois au cours duquel sont attendues, en tout et pour tout, près de sept millions de doses.