Plaidoyer pour décriminaliser l’usage des drogues : "La doctrine d’un monde sans drogues est une illusion qui fait plus de dégâts qu’elle ne permet de progrès"
Le collectif #Stop1921 réclame un débat au Parlement pour réformer la "vieille" loi drogues qui a 100 ans ce mercredi.
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- Publié le 24-02-2021 à 06h50
- Mis à jour le 24-02-2021 à 06h51
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La loi qui constitue le socle de la politique belge en matière de drogues passe aujourd’hui le cap du siècle. Pour le collectif #Stop1921 et Smart on Drugs, son équivalent flamand, qui rassemblent une cinquantaine d’associations actives à Bruxelles, en Wallonie et en Flandre, il n’y a aucune raison de célébrer l’anniversaire de cette loi du 24 février 1921 "concernant le trafic des substances vénéneuses, soporifiques, stupéfiantes, psychotropes, désinfectantes ou antiseptiques", en décalage complet avec la société contemporaine.
La campagne "Unhappy Birthday" que lance aujourd’hui le mouvement #Stop1921 demande d’ouvrir un large débat parlementaire afin de réformer la (vieille) loi de 1921, essentiellement pénale et punitive, pour mener une politique juste et efficace en matière de drogues.
Malgré des moyens colossaux
À l’époque, l’objectif du législateur était de réduire, voire d’éradiquer, la consommation de drogues - d’où l’interdiction de produire, de transporter, de vendre et d’acheter, mais aussi de détenir des substances prohibées, y compris pour sa consommation personnelle. Avec le recul d’un siècle de prohibition, le constat est clair, assène le collectif #Stop1921 : la doctrine d’un monde sans drogues est une illusion qui fait plus de dégâts qu’elle ne permet de progrès. La répression du trafic et la criminalisation des usagers se révèlent improductives. Un exemple ? Les saisies de cocaïne dans le port d’Anvers étaient 14 fois plus importantes en 2020 (65 tonnes) qu’en 2013 (5 tonnes), sans que cela perturbe significativement le marché noir. Malgré les moyens colossaux mis en œuvre, il n’existe aucun endroit au monde où la guerre contre les drogues est venue à bout du trafic et de la consommation de stupéfiants, relève encore la campagne. Parallèlement, les problèmes de santé publique entraînés par la consommation de stupéfiants encombrent la justice et les prisons. En Belgique, un détenu sur deux est incarcéré pour des infractions en matière de stupéfiants (ou faits connexes).
"Aucun résultat significatif"
Il ne serait pas rationnel de maintenir plus longtemps une approche aussi coûteuse qui, depuis 100 ans, n’a produit "aucun résultat significatif" en matière de réduction de l’offre, de la criminalité ou de la consommation de drogues, ni en matière de santé publique ou de justice sociale. Les budgets alloués à la prévention restent dérisoires au regard de l’argent public englouti dans la répression et le traitement judiciaire, ajoute le collectif.
À travers le monde, des États revoient leurs législations et changent l’orientation de leurs politiques, vers une décriminalisation, observe le mouvement #Stop1921. Le Luxembourg s’apprête à réguler l’achat, la vente et la consommation de cannabis, comme le font déjà seize États américains, le Canada, l’Uruguay…
Mais l’exemple le plus parlant est sans doute le Portugal, qui a décriminalisé l’usage de toutes les drogues en 2001, assortissant cette mesure d’un renforcement de la prévention, de la réduction des risques et des soins aux consommateurs qui ont un usage problématique. Cette politique audacieuse, sur laquelle on a un recul de vingt ans, engrange des résultats positifs : pas d’explosion de la consommation de stupéfiants ; un nombre d’overdoses mortelles divisé par 6 ; le nombre d’infections par le virus du sida en chute de 70 % ; un pourcentage de détenus pour faits de drogues en forte baisse.
La voie à suivre ? La création d’un groupe de travail parlementaire chargé notamment d’examiner l’opportunité d’une décriminalisation de l’usage de drogues serait un premier pas, juge le collectif #Stop1921.