Pourquoi les personnes vaccinées ne peuvent pas encore tout se permettre
Plus la campagne de vaccination progresse, plus la population se pose de questions à son sujet. Éléments de réponse avec le professeur Jean-Michel Dogné, directeur du département de pharmacie de l’Université de Namur, expert pour l’Agence fédérale des médicaments (AFMPS) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et membre de la task force vaccination.
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Publié le 05-05-2021 à 20h10 - Mis à jour le 14-05-2021 à 20h34
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À quel point est-on protégé si on a reçu une dose d'un vaccin qui en nécessite deux ?
Pour les vaccins les plus utilisés en Belgique (Pfizer et AstraZeneca), des études d’efficacité "dans la vraie vie", menées en Écosse notamment, ont montré une efficacité de plus de 80 % contre les hospitalisations trois à quatre semaines après la première dose. En étude clinique, le vaccin Astrazeneca a même montré 100 % d’efficacité. Cela offre une protection contre les formes les plus sévères de la maladie.
Qu'apporte de plus la deuxième dose ?
Une deuxième dose augmente encore la protection individuelle contre les formes sévères et moins sévères. Un schéma complet de vaccination (à savoir deux semaines après la deuxième dose des vaccins à deux doses) offre la meilleure protection.
Si on a eu le Covid avant de se faire vacciner, doit-on recevoir deux doses ou bien une dose suffit-elle ?
Actuellement, on recommande toujours un schéma complet de vaccination en deux doses mais cela peut évoluer. Des pays proposent une seule dose. La question est sur la table du Conseil supérieur de la santé. Cela ne sert à rien de vacciner avec deux doses s’il est montré qu’une seule peut suffire.
Si on est vacciné, peut-on transmettre le virus ?
Des données récentes ont montré que trois semaines après une dose d’un vaccin qu’on utilise chez nous (principalement Pfizer et Astrazeneca), on réduit la transmission de l’ordre de 40 à 50 %. Donc vous réduisez le risque de transmettre le virus quand vous êtes vacciné. Cela ouvre des perspectives dans le cadre du déconfinement. On n’a pas encore de données clairement publiées concernant deux doses. Une deuxième dose peut encore augmenter la protection, mais cela dépend aussi de la nature du virus auquel on fait face. Si vous êtes vacciné et que vous êtes contaminé par un variant sud-africain, indien ou brésilien, on n’a pas forcément les mêmes données. Mais les données qui portent sur le variant britannique sont extrêmement encourageantes. Cela veut dire que si, à titre personnel, vous êtes protégé de façon significative et qu’en plus, vous réduisez la probabilité de transmission, il est clair que, dans une population, plus on aura de personnes vaccinées, plus on aura la double protection : être protégé individuellement et éviter de contaminer des autres. C’est pour cela qu’il est important d’avoir un taux de vaccination le plus important possible, notamment dans la population à risque, par exemple au moins 80 % dans les maisons de repos, chez les personnes âgées ou à comorbidité : pour garantir cette espèce d’immunité de masse, même à titre local.
Si on est vacciné, doit-on encore porter le masque et respecter la distanciation ?
À ce stade-ci, on n’a pas encore atteint le pourcentage de population qu’on vise, que ce soit en vaccination complète (on est à un peu moins de 10 % des 18 ans et plus) ou même avec une seule dose (on est à un tiers). Mais cela va augmenter très vite. C’est pour cela qu’il faut anticiper ces questions. On voit le bénéfice de la vaccination, que ce soit dans les maisons de repos ou dans des pays qui ont beaucoup vacciné (Israël, États-Unis, Royaume-Uni). Les hospitalisations et les décès diminuent. Et c’est dans ces pays qu’on a levé des contraintes.
Si on est complètement vacciné et qu’on invite dix autres personnes complètement vaccinées à dîner à la maison, y a-t-il un risque sanitaire ?
Le risque nul ne peut pas exister. D’abord parce que les vaccins n’offrent pas une protection à 100 %. Ensuite parce qu’on ne sait pas si une de ces personnes est porteuse d’un variant particulier. Mais vous avez beaucoup moins de risques de développer une forme de maladie que si vous êtes non vacciné ou si vous êtes seul à être vacciné. C’est l’objectif de la campagne : vacciner un maximum de personnes pour réduire le portage du virus dans la population, réduire sa transmission et, à titre individuel, même si vous avez le virus, réduire le risque de maladie.
Pendant combien de temps le vaccin protège-t-il ?
De manière absolue, on pourrait dire que les vaccins sont efficaces un an, voire deux ou trois. Par contre, vu l’émergence de variants contre lesquels on ne connaît pas encore l’efficacité des vaccins, on ne sait pas où l’on en sera en septembre ou en décembre. Mais la plupart des vaccins maintiennent leur efficacité contre la plupart des variants. Il ne faut rien exclure comme scénario. Il se peut qu’on réadministre une troisième dose du même vaccin en automne pour renforcer l’immunité. Ou qu’on adapte un schéma vaccinal avec des vaccins différents, adaptés à des variants. Ou, comme pour la grippe, qu’on se fasse vacciner chaque année. Ou qu’on adapte la vaccination en donnant une troisième dose d’un vaccin différent des deux premières. Tout cela est à l’étude.