"Le poids de l’extrême droite dans l’armée est bien plus important qu’on le croit"
Selon Manuel Abramowicz, de RésistanceS (web-journal de l’Observatoire belge de l’extrême droite), la radicalisation de Jürgen Conings n’est pas un cas isolé au sein des forces armées belges.
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Publié le 25-05-2021 à 20h50 - Mis à jour le 27-05-2021 à 14h50
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"En enquêtant sur Internet, nous avons trouvé chez les militants d’extrême droite des revendications d’appartenance à l’armée, explique-t-il. Au sein de l’extrême droite, on retrouve beaucoup de personnes venant des secteurs de la sécurité et de la Défense : police, gardiennage, anciens mercenaires, militaires pensionnés ou exclus de l’armée."
Le coordinateur de RésistanceS donne quelques exemples : "En Wallonie, celui qui prend en main le Front nouveau de Belgique (une dissidence du FN belge) est un ancien militaire. Le responsable des Jeunes du Front nouveau de Belgique et fondateur du groupe néonazi L’Assaut, Hervé Van Laethem, était aussi un ancien militaire de carrière. L’un des responsables d’Agir est un ancien gendarme exclu de sa profession. Du côté flamand, Bert Eriksson, du Vlaamse Militanten Orde (VMO) , était un ancien para et sous-officier de réserve. Le premier député du FN en Belgique en 1991, Georges Matagne, était un ancien para du bataillon belge en Corée. Aujourd’hui, parmi les dirigeants de l’Alliance pour la Wallonie, un pseudopode du Parti populaire, on trouve deux anciens policiers et deux anciens militaires."
On le voit, selon Manuel Abramowicz, on trouve beaucoup de militaires et d’anciens militaires, mais aussi de policiers et d’anciens policiers, au sein de l’extrême droite. En particulier parmi les dirigeants des petites formations politiques et autres groupuscules.
Pourquoi ? "Il existe une attirance naturelle pour l’armée au sein de l’extrême droite car elle est synonyme de patriotisme, de nationalisme… Vous ne trouvez pas vraiment de gens d’extrême gauche à l’armée aujourd’hui. À l’époque, par contre, certains membres de l’extrême gauche allaient volontairement dans les unités combattantes lorsque le service militaire était obligatoire. Car, dans les organisations communistes, on prônait la capacité à manier les armes afin de préparer la révolution. Dans les années 1950, mon père était au Parti communiste et est allé chez les fusiliers marins, par exemple. Il n’était pas un pacifiste."
"Un grand tabou"
Au regard de l’affaire Conings, la présence d’éléments proches de l’extrême droite dans l’armée n’a pas provoqué de réaction suffisante des hauts gradés, manifestement. D’où vient cette passivité ? "C’est un grand tabou. À l’armée, il y a une omerta à l’égard de l’extrême droite. Par esprit de corps, on ne dénonce pas les collègues, même en cas d’infraction à la loi. Le poids de l’extrême droite dans l’armée est bien plus important qu’on le croit. Regardez aux États-Unis, le nombre de militaires et anciens militaires présents parmi les assaillants du Capitole en janvier… En Belgique, les ministres de la Défense par le passé, comme André Flahaut ou Guy Coeme, étaient au courant de cette présence de l’extrême droite. Ils n’ont jamais fait le ménage. La hiérarchie militaire non plus d’ailleurs."
Pour Manuel Abramowicz, la radicalisation au sein de l’armée est plus nette qu’à la police. "Les militaires forment un milieu où il y a beaucoup de ressentiment, plus qu’à la police encore. Les policiers sont en contact avec la criminalité en permanence mais, à l’armée, ils sont privés de ce contact, de ces possibilités d’intervention. Ils s’ennuient et sont moins bien payés que les policiers. Sans doute, Conings s’ennuyait-il lui aussi après avoir passé une quinzaine d’années hyperactives en Afghanistan, en ex-Yougoslavie… Il avait postulé d’ailleurs pour passer à la police."