Yves Coppieters : "Ce n'est pas en vaccinant les 18-45 ans qui veulent juste partir en vacances que vous allez limiter les complications du Covid-19"
La vaccination avance bien dans notre pays, mais il y a des disparités entre les Régions. Bruxelles, qui n'a pas encore ouvert la vaccination à tous les plus de 18 ans, est à la traîne. Mais est-ce forcément un problème ? Réponse avec Yves Coppieters, épidémiologiste et professeur en Santé publique à l'ULB.
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Publié le 31-05-2021 à 14h51 - Mis à jour le 31-05-2021 à 15h52
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Alors que la vaccination bat son plein en Wallonie, ouverte à tous les 18 ans et plus depuis la mi-mai, la Région bruxelloise est à la traîne. 38% de la population y a reçu une première dose, contre 52% en Wallonie et 50% en Flandre. La capitale continue de fonctionner par tranches d'âges, seuls les plus de 41 ans sont éligibles à la vaccination (et les plus de 36 ans sur Bruvax). Pourquoi Bruxelles ne suit-elle pas son voisin wallon ?
Pour Yves Coppierters, épidémiologiste et professeur en Santé publique à l'ULB, c'est tout à fait logique. "Il faut continuer de travailler par groupes à risque, liés à l'âge et aux comorbidités. En ouvrant rapidement la vaccination aux plus de 18 ans vous allez avoir un effet sur la couverture vaccinale, mais ce n'est pas pour autant qu'il y aura une bonne couverture vaccinale dans tous les groupes prioritaires. C'est dans ces groupes-là qu'il faut atteindre les 70 ou 80 % de vaccinés, pas dans la population générale", explique-t-il à La Libre.
"Ce n'est pas en couvrant, à tout prix maintenant, les 18-45 ans qui veulent juste partir en vacances que vous allez limiter les complications du Covid-19. Bien sûr, statistiquement, il y a toujours quelques jeunes qui font des formes graves mais ce n'est pas eux qui vont influencer les indicateurs de gravité hospitalière", précise le médecin alors qu'on reproche à Bruxelles son retard sur les autres Régions. "On n'est pas à 80 ou 85% de vaccination des plus fragiles. Il faut encore faire des efforts sur ces groupes avant d'élargir la vaccination, et à Bruxelles, c'est beaucoup plus difficile d'atteindre ces groupes cibles, en raison notamment de la diversité culturelle", avance-t-il.
Pourtant, les jeunes sont considérés comme les plus importants propagateurs du virus en Belgique. Mais pour Yves Coppieters, la question de la circulation du virus n'en est pas une. "Le virus circule partout : des 12 aux 99 ans. Le problème c'est qu'ils (les 18-35 ans ndlr) ont plus d'activités sociales et donc fatalement ils se mettent plus à risque de contaminations. L'objectif des vaccins c'est de limiter les formes graves de la maladie. On ne veut pas éradiquer le virus, pour ça il faut 80 % de couverture vaccinale mondiale. On veut que le Covid-19 devienne une endémie, un problème latent et gérable". Et l'âge, entre 16 et 45 ans, est peu un facteur de risque pour le virus, ajoute l'expert.
Des stratégies hétérogènes qui n'ont pas de sens
Finalement, la Wallonie précipite-t-elle trop les choses ? " S'ils estiment qu'ils ont fait tous les efforts pour atteindre les groupes à risque, non. Mais si les ressources actuelles sont déviées en raison de la vaccination des plus de 18 ans non à risque alors qu'il faut encore aller chercher vaille que vaille les plus fragiles, ça c'est une erreur", estime Yves Coppieters . 48 % des 65 ans et plus sont entièrement vaccinés et 85% on reçu une dose dans cette région.
L'épidémiologiste regrette une compétition régionale concernant la couverture vaccinale, en Belgique comme en Europe, qui "n'a pas de sens". "Celui qui a la meilleure couverture vaccinale, en terme de santé publique ça ne veut rien dire", déplore-t-il. Pour le spécialiste en santé publique, l'ouverture à la vaccination est aussi une question d'éthique par rapport au reste du monde. "On croit que si l'on fait du chiffre en Belgique, on aura trouvé la solution pour notre population, mais c'est tout à fait faux. On est dans une pandémie, on dépend des stratégies mondiales. Les pays du sud ne disposent que de 3% des doses de vaccins dans le monde", rappelle-t-il.