L’application Telegram, le refuge des extrémistes et des complotistes
L'outil, longtemps prisé par le groupe État Islamique, rallie de plus en plus des nouvelles mouvances extrémistes. C'est notamment le cas en Belgique où les partisans de Jürgen Conings s'y retrouvent, mais pas seulement...
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Publié le 03-06-2021 à 08h37 - Mis à jour le 03-06-2021 à 09h37
Lorsque l’application WhatsApp, rachetée par le géant Facebook, a annoncé des changements dans l’usage des données privées des utilisateurs, des millions de personnes se sont ruées vers d’autres applications de communication réputées plus sécurisées. C’est notamment vers Telegram qui compte, grâce à la “fuite des utilisateurs WhatsApp”, plus de 500 millions d’utilisateurs.
Telegram permet d’envoyer des messages écrits ou vocaux, de partager des fichiers ou encore de participer à des discussions de groupe. Mais l’application de messagerie s’est aussi et surtout forgé une réputation pour deux raisons.
La première concerne la sécurité et la cryptographie qui entourent les messages transitant par ce canal. En effet, les échanges sur Telegram sont chiffrés, ce qui signifie que le contenu n’est pas lisible par un tiers. Ce qui n’est pas le cas sur WhatsApp. L’application permet aussi de communiquer à travers des échanges éphémères, ils se suppriment automatiquement après avoir été lus par le(s) destinataire(s).
Ce gage de confidentialité a été salué par de nombreux défenseurs des protections des données comme Edward Snowden, un ancien employé de la CIA qui avait dévoilé l’existence de programmes américains de surveillance de masse.
Sauf que cet argument sécuritaire est rapidement devenu une aubaine pour des utilisateurs mal intentionnés. C’est d’ailleurs précisément ce qui a constitué la seconde raison du succès de Telegram, une des applis les plus téléchargées et les plus appréciées du moment, surtout par les complotistes et les extrémistes de tout bord.
Succès de l’État islamique aux partisans de Trump
Telegram a notamment été un outil majeur pour le groupe État islamique tant pour préparer des attentats que pour les revendiquer. Dans le viseur de la justice, les responsables de l’application ont d’ailleurs dû fermer de nombreux comptes liés aux milieux djihadistes pour se défaire d’un quelconque lien avec ces réseaux terroristes.
Plus récemment, Telegram a refait surface aux États-Unis où son utilisation est aussi fort appréciée par les “pro-Trump”. Bannis, pour la plupart, de Facebook et de Twitter, de nombreux partisans de l’ancien président américain s’étaient retrouvés sur les forums de Telegram pour dénoncer la censure dont ils feraient l’objet, mais aussi pour préparer “la revanche” de leur président. Le succès auprès des groupuscules américains est de plus en plus vertigineux. Les partisans de l’alt-righ, mouvement suprémaciste blanc américain, compte plus de 30 000 membres sur cette appli.
En Belgique aussi, Telegram est devenu le lieu de ralliement des complotistes et des extrémistes. En témoigne notamment le succès des groupes de soutien à Jürgen Conings, le militaire en fuite qui a menacé Marc Van Ranst et la “dictature sanitaire” que le virologue souhaiterait instaurer. Le groupe le plus connu, “Als 1 achter Jürgen Conings” (littéralement “Comme un seul homme derrière Jürgen), rassemble près de 3 000 personnes.
Le Vlaams Belang y est aussi
La crise du Covid a également permis la création de nombreux groupes sur Telegram où les échanges dénonçant les mesures sanitaires sont extrêmement nombreux. Des conseils pour “fabriquer sa propre chloroquine” sont mêlés à des appels à “protéger l’ADN de nos enfants” qui serait menacé par la vaccination. Parmi les groupes qui se sont démarqués en la matière, “Europeans United”, qui rassemble sur Telegram plus de 10 000 personnes convaincues ainsi de déjouer “la censure” imposée par Facebook.
La censure, c’est aussi l’argument brandi par le Vlaams Belang pour justifier sa présence sur Telegram. Le parti rassemble près de 6 700 adhérents sur l’application. Peu étonnant que le Belang soit sur Telegram, le parti affine depuis quelques années sa stratégie de communication pour toucher un maximum de citoyens. C’est sur ce même principe que Dries Van Langenhove, la figure de proue du parti, a d’ailleurs lancé sa propre chaîne de podcast sur Spotify.