Le nouveau défi des églises: "Certains tarderont à revenir parce qu’ils se sont habitués à de nouvelles pratiques dominicales"
Avec la reprise des célébrations religieuses, le défi pour les églises est d’attirer à nouveau les fidèles.
Publié le 13-06-2021 à 18h02 - Mis à jour le 14-06-2021 à 12h03
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Il est 19 h 20. Les cloches de l’église Sainte-Croix d’Ixelles étouffent le bruit de la place Flagey, pleine à craquer, sur laquelle l’énorme bâtisse projette son ombre. Elles invitent les jeunes du quartier à participer à la messe qui commence dans dix minutes. Depuis ce mercredi, les églises peuvent accueillir un maximum de cent personnes pour leurs célébrations religieuses - limitées jusqu’alors à quinze personnes. Et le mercredi soir, l’église Sainte-Croix réserve sa messe pour les jeunes.
Petit à petit, de jeunes hommes et femmes, âgés entre 18 et 30 ans, prennent place et forment une assemblée légèrement inférieure à la jauge, se réjouissant de cette reprise en plus grand comité : "Notre lieu de culte est de nouveau rempli, on revoit tout le monde, ça fait plaisir. C’est plus facile aussi pour rencontrer des jeunes qui vivent la même foi que nous", explique l’une d’eux.
La chorale résonne à nouveau après de longs mois de silence. Elle lance la célébration. Brandon, 23 ans, découvre la messe à l’intérieur de l’église pour la première fois. "Jusqu’à aujourd’hui, j’avais participé à deux messes extérieures. À l’intérieur, l’ambiance est différente. Je découvre l’église, la chorale. Et je me sens en sécurité", raconte-t-il.
Brandon a découvert le pôle "jeunes" de l’église grâce à l’une de ses amies. "J’avais besoin de me vider la tête et de retrouver un calme intérieur. Je connais beaucoup de pression extérieure et participer aux messes me rend plus serein", confie le jeune homme.
Un besoin de sens et de communauté
À l’Union pastorale Sainte-Croix - qui comprend quatre églises dont celle de Sainte-Croix -, la pandémie n’a pas fait fuir les fidèles. Au contraire. La paroisse a dû multiplier les messes jusqu’à en proposer neuf par jour - d’une part, en raison des mesures sanitaires, d’autre part, parce que les fidèles étaient demandeurs. "Au fur et à mesure, je voyais de nouvelles têtes arriver", remarque le curé de la paroisse, Emmanuel De Ruyver. Une tendance qui n’est pas étonnante pour Arnaud Join-Lambert, professeur de théologie pastorale à l’UCLouvain.
"Avec la pandémie, les gens ont réalisé tout un cheminement spirituel individuel. Ils ont confronté ce qu’ils ont vécu à des questions fondamentales. Pourquoi je vis ? Qu’est-ce que l’amour ? Qu’y a-t-il après la mort ? Certains se sont alors tournés vers la foi chrétienne pour y trouver les réponses", explique-t-il. Mais cet intérêt pour la foi chrétienne ne suffit pas. Il faut entretenir le lien parce que "la foi se vit en communauté", précise Emmanuel de Ruyver.
Pour ce faire, l’Union pastorale Sainte-Croix a continué ses traditionnels affichages papier. Elle a surtout investi les réseaux sociaux : Facebook, Instagram, WhatsApp, même YouTube pour les messes en ligne. Elle a également encouragé la prise de contact à travers les newsletters, les appels téléphoniques, les cartes postales - en bref, "tout ce qui permet de maintenir le contact".
Aujourd’hui, l’Union récolte les fruits de son travail de communication. Elle désire d’ailleurs le poursuivre à l’aide d’une équipe de communication et le renforce avec l’opération "Chaque paroissien relance un paroissien". L’idée est d’inviter une connaissance, un membre de la famille, un voisin à participer à la reprise des célébrations. "Cette action permet de s’encourager à reprendre ensemble. Seuls, on se décourage ; ensemble, on se motive. Rien ne fonctionne mieux que le bouche-à-oreille", affirme le curé.
Plusieurs tendances impulsées par la pandémie
Une autre force de l’église Sainte-Croix est sa localisation : centrale et au cœur d’un quartier très vivant. Même si la pandémie a bouleversé les habitudes et les rythmes, Emmanuel De Ruyver ne se dit pas inquiet pour la suite. "Les jeunes étaient au rendez-vous et certains adultes et personnes âgées ont les réseaux sociaux aussi", explique-t-il.
Mais une église n’est pas l’autre. Il existe effectivement un risque de voir les fidèles moins nombreux dans certaines églises qu’avant la pandémie. "Certains tarderont à revenir par crainte du virus ou parce qu’ils se sont habitués à de nouvelles pratiques dominicales, chez eux ou sur Internet, d’autres peuvent ne pas ressentir le besoin de revenir. Mais l’assemblée, la communauté ont tout de même beaucoup manqué", développe Arnaud Join-Lambert.
Une enquête auprès des paroissiens
De son côté, la responsable de la communication du diocèse de Namur, Christine Bolinne, est incapable de se prononcer sur la façon dont la reprise se fera. Aucune action de communication particulière n’a été menée auprès des fidèles. "On espère que ça reprendra le mieux possible et que les gens ne craindront pas trop de revenir", confie-t-elle.
Le diocèse de Namur a d’ailleurs invité chrétiens et prêtres des provinces de Namur et du Luxembourg à répondre à une enquête afin d’identifier les initiatives bonnes à garder et celles qu’il vaut mieux abandonner. Le but est de "programmer au mieux l’année pastorale à venir". Signe d’une attention et d’une conscience que le confinement aura bouleversé la vie paroissiale.