Grève des sans-papiers : "Ils agonisent et le gouvernement laisse faire"
Manifestation en faveur des sans papiers ce samedi : la grève se durcit, certains ont opté pour la grève de la soif. L’inquiétude grandit d’heure en heure de déplorer un mort. Le gouvernement reste pour le moment sur sa ligne.
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Publié le 18-07-2021 à 13h07 - Mis à jour le 20-07-2021 à 22h49
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Samedi après-midi, le soleil brille dans le centre de Bruxelles et pourrait presque faire oublier les dramatiques intempéries qui, la veille, ont mortellement touché la Wallonie. Face à la Gare centrale, près de 300 personnes sont rassemblées et le déluge qui a ravagé le sud du pays est sur toutes les lèvres.
Mais les manifestants sont présents pour “un autre drame qui se joue devant nos yeux, et là aussi, nous risquons d’avoir des morts, dans les heures qui suivent”, explique Léa, une jeune Bruxelloise qui, aux bords des larmes, nous tend un tract en guise d’explication.
Le petit bout de papier évoque trois façons “d’agir pour l’égalité des droits”, et réclamer “des papiers pour tous (car) personne n’est illégal”. Le tract invite notamment les citoyens à se coucher à terre et à rester sans bouger. Objectif : attirer l’attention des passants pour, ensuite, leur expliquer “qu’à l’intérieur de l’église du Béguinage, au cœur de la capitale, des centaines de personnes sont en grève de la faim et espèrent être régularisées. Elles risquent de mourir et nous devons agir”, poursuit Léa, émue.
Nouvelle pétition lancée
L’action décrite sera d’ailleurs mimée par la foule entière, sous le regard interrogatif des passants, nombreux autour de la gare bruxelloise. S’ensuit la lecture d’un texte. “Ceci est une action citoyenne. Ceci est un cas de force majeure face à des droits humains fondamentaux que notre pays bafoue. 470 personnes sans-papiers sont en grève de la fam depuis le 23 mai, et en grève de la soif depuis quelques jours. Ils agonisent et notre gouvernement laisse faire. Nous devons rompre le silence”.
Le tract est distribué aux passants par les manifestants qui appellent l’ensemble de la population à se joindre aux actions de sensibilisation. Ils souhaitent, disent-ils, envoyer un message clair au Secrétaire d’Etat chargé de l’Asile et la Migration, Sammy Mahdi (CD&V) : “nous voulons que les grévistes survivent”. Une pétition est également lancée pour tenter de récolter un maximum de signatures. “C’est une véritable course contre la montre, la vie de ces personnes est en danger. Plus nous signerons, plus nous pourrons faire pression sur l’ensemble du gouvernement”, explique Sarah, une autre Bruxelloise venue apporter son soutien aux sans-papiers du Béguinage.

L’inquiétude grandit
Parmi les manifestants, des citoyens lambda, mais également des représentants de l’une ou l’autre association ou organisation auxquels se mêlent quelques élus, toute couleur politique confondue. Mais ils sont là “incognito”, fondus dans la masse et ne souhaitent pas s'exprimer.
Des discours, pourtant, il y en aura, notamment de la part de Cécile De Blick et Brenda Odimba, deux porte-paroles des manifestants. Elles estiment que “les différentes autorités sont responsables de la situation et qu’elles ont poussé ces personnes dans l’illégalité en adoptant une série de réformes successives qui ont à chaque fois limité la possibilité d'obtenir une autorisation de séjour”. Et de poursuivre : “certaines de ces personnes vivent et travaillent chez nous depuis plus de 10 ans, parfois 30 ans même. Mais le gouvernement reste inflexible”, concluent les porte-paroles, se disant particulièrement inquiètes par la grève de la soif entamée par certains des sans-papiers.
D’autres personnes s’approchent timidement de la foule avant de se présenter. Deux sans-papiers, compagnons d’infortune des grévistes de la faim et de la soif de l’église du Béguinage. Aux quelque 300 personnes présentes, l’un d’eux explique pourquoi ils en sont arrivés à se priver de nourriture, d’eau et certains même à se coudre la bouche pour refuser toute nutrition. Il a rappelé que leur grève, entamée fin mai, avait été précédée d’actions pour lesquelles ils avaient obtenu le soutien de certains citoyens et même de personnalités politiques. Ils pensaient avoir été entendus, espérant une régularisation prochaine. Mais rien ne vient. Ils vont alors multiplier les actions de sensibilisation et les demandes d’aide aux autorités. En vain.
Cette mobilisation, disent-ils, semble trop molle pour aboutir. Le 23 mai, ils entament donc une grève de la faim. Les jours passent et leur sort ne semble pas être pris en compte. Ils se cousent la bouche alors que, depuis quelques jours, certains refusent de boire. En évoquant cette grève de la soif, le vieil homme qui s’exprime laisse percevoir la détresse qui l’habite. La peur se fait entendre au son de sa voix tremblotante. “Nous vivons et travaillons en Belgique depuis des années. Ce que nous voulons, c’est continuer à vivre dignement”.
Il est 16H, le petit cortège se disloque. L’inquiétude qui se faisait sentir au début du rassemblement est encore plus palpable. Car plus les heures défilent, plus la crainte que les grévistes succombent ne cesse de grandir.