Adil, réfugié afghan aujourd'hui à Liège, ne croit pas à des talibans "plus soft": "Ils ont tué mon papa"
Adil a vécu l’enfer en Afghanistan. “Mes ennuis ont débuté quand j’ai rasé ma barbe.”
Publié le 24-08-2021 à 13h42
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Ahmad Adil, 22 ans, sait de quoi il cause. Le réfugié afghan aujourd’hui régularisé en Belgique (il travaille dans la restauration à Liège) a vécu l’enfer. Son récit est bouleversant…
Adil considère pourtant avoir eu une enfance heureuse, dans son village afghan de Goshta, posé dans les montagnes non loin de la frontière pakistanaise. " J'allais à la mosquée et je jouais au cricket avec les autres enfants. Ma famille était plutôt riche. "
Son père refuse qu'il aille à l'école, levier d'émancipation. Trop dangereux : " C'était mal vu par les talibans. A la mosquée par contre, on m'a appris à lire le Coran mais dans la langue arabe, je ne comprenais pas ce que je lisais. "
Adolescent, Adil commence, sans en avoir conscience, à prendre des risques, boosté par des envies libertaires. Il se rase la barbe, chose très mal vue : " Je trouvais tout simplement que ça m'allait mieux. " Dans le village, ça chuchote alors…
De temps en temps, il brosse la mosquée : " Je voulais danser, profiter de la vie. " Le pedigree d'Adil se détériore plus encore…
Adil a 14 ans quand son père est retrouvé mort dans son magasin, terrassé par une balle de revolver : " Je suis sûr que c'était les talibans. Papa n'avait jamais eu de problème avec personne ."
Un jour, il s'aventure dans les bois avec des amis. " On ne pouvait pas. Les talibans croyaient que des gens y rencontraient la police en cachette et les dénonçaient. Je savais que c'était dangereux mais je voulais juste me promener ."
Une lettre aboutit au domicile familial : " On sait que tu nous vend s."
" Ma maman m'a dit qu'il fallait que je parte, que je risquais ma vie. J'en ai pleuré, mais je suis parti, avec une somme d'argent qu'elle m'a donnée. "
Adil a 16 ans. Commence alors un long périple de trois mois jusqu’à la gare de Bruxelles-Midi. L’objectif qu’on lui avait pourtant conseillé était l’Angleterre…
À pied ou en stop, Adil traverse le Pakistan, l’Iran, la Turquie, la Bulgarie, la Hongrie, l’Autriche, l’Allemagne et enfin la Belgique. Adil est alors orienté vers un centre d’accueil de la province de Namur et est inscrit, pour la première fois, dans une école. Son intégration débute alors. Elle aboutira à sa régularisation, il y a quelques mois.
En Afghanistan, il lui restait deux soeurs et un frère : " Avant la prise de pouvoir, dès qu'ils ont appris que les talibans avançaient sur Kaboul, ils se sont dit que c'était foutu, qu'ils étaient en danger Ils ont fui au Tadjikistan, en stop et à pieds. Il y avait danger. Là-bas, en blesse des enfants ou des gens qui n'ont rien fait. Cela fait quarante ans qu'on est en guerre. "
Adil en veut aux États-Unis : " Oui, je les soupçonne d'avoir favorisé le retour des talibans au pouvoir. A tout le moins de n'avoir rien fait contre. Dans la guerre économique qui les oppose à la Chine, ils voyaient d'un très mauvais œil le fait que de nombreuses entreprises chinoises se développaient en Afghanistan. Avec les talibans, ce ne sera plus le cas. "
Le jeune n'est par contre pas en reste lorsqu'il s'agit de remercier les pays qui rapatrient. " La Belgique, la France, l'Allemagne… Les personnes sur place sont réellement en danger. "