"Mettre en place un pass sanitaire à Bruxelles est une erreur. On le voit bien en France..."
Yves Coppieters nous explique les raisons pour lesquelles il juge que l'introduction d'un pass sanitaire à Bruxelles est absurde.
Publié le 08-09-2021 à 13h57 - Mis à jour le 09-09-2021 à 15h05
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Le pass sanitaire (Covid Safe Ticket) élargi pourrait entrer en vigueur dès le 1er octobre en Région Bruxelles-Capitale, conjointement à la poursuite des efforts déjà déployés pour augmenter tant bien que mal le taux de vaccination. Alors que l'objectif de 16.000 doses administrées par semaine avait été fixé, il s'avère que la première semaine constitue un échec puisque seules 9.900 doses du vaccin contre le coronavirus ont pu être administrées.
La Région de Bruxelles-Capitale pourrait donc avoir recours à une solution déjà d'application en France et en Italie: la mise en place d'un pass sanitaire. Une décision que regrette Yves Coppieters, professeur de Santé publique à l'ULB, qui nous avait glissé, fin juillet dernier, qu'il ne fallait " pas tomber dans des dérives liées à la vaccination, comme celles constatées en France" . L'épidémiologiste n'a pas changé d'avis depuis. Il reste persuadé que c'est une très mauvaise décision d'avoir recours à ce pass pour pousser la population récalcitrante a se faire vacciner. Les jeunes, qui ne sont pas les premiers concernés par la vaccination, seraient d'ailleurs les premiers à payer les pots cassés de ce pass sanitaire, selon l'expert. Entretien.
"Mettre en place le système du pass sanitaire à Bruxelles est une erreur. C'est un choix politique qui n'est, à mon avis, pas basé sur de l'évidence scientifique", peste tout d'abord Yves Coppieters. "On le voit bien en France et dans d'autres pays, qui ont quand même aussi fait marche arrière, que cela n'est pas une solution."
Selon l'expert, l'introduction de ce pass sanitaire ressemble davantage à un message politique qu'à une sécurité garantie pour éviter la propagation de l'épidémie sur le territoire bruxellois. "Nous avons bien compris que le message était d'ordre politique et qu'il était présent pour encourager, voire obliger, la population à se faire vacciner. Il s'agit d'une fausse sécurité puisque nous savons très bien que, même si l'on applique le pass sanitaire, la circulation du virus reste bien réelle car les vaccinés peuvent encore être porteurs du virus et contribuer toujours à la contamination."
"Les protocoles qui existent déjà fonctionnent très bien"
D'après l'épidémiologiste, "appliquer ce système dans la vie quotidienne (les salles de sport, les bars, les restaurants,...), entraîne de la contrainte et donne un sentiment de sécurité qui n'est pas juste. La mesure montre toutes ses limites par rapport à des protocoles qui s'appliquent déjà dans les salles de sport ou dans les restaurants actuellement par exemple et qui eux fonctionnent très bien."
La décision d'appliquer ce pass uniquement à Bruxelles alors que la Wallonie et la Flandre ne comptent pas y avoir recours (sauf pour les grands événements) "relève encore d'un jeu politique entre les différents gouvernements régionaux", estime-t-il. "Sur un plan sanitaire, vu la taille de la Région, cette décision est absurde. Sur un plan politique, on comprend par contre les enjeux qu'il y a", relève Yves Coppieters.
De cette décision transparaît aussi la volonté de la classe politique bruxelloise d'inciter la population à se faire vacciner. Cette façon de faire est potentiellement dommageable, selon le professeur de Santé publique. "En prévention de la vaccination, on montre le bâton aux Bruxellois en leur indiquant que ce sont des mauvais élèves et qu'il faut donc leur imposer ce pass sanitaire. Ce n'est pas la bonne stratégie. Il faut plutôt montrer à la population la carotte pour convaincre les personnes qui doivent se faire vacciner qu'elles doivent le faire."
"Cela va amener les jeunes à la vaccination et c'est regrettable"
A entendre Yves Coppieters, les jeunes qui ne sont pas vaccinés seraient également les premières victimes de l'introduction de ce pass sanitaire. "Cette contrainte de la vie quotidienne va amener les jeunes à la vaccination, j'en suis sûr, mais je trouve ça vraiment regrettable. On veut essayer de compenser une couverture qui n'est pas assez optimale dans les groupes à risques à Bruxelles (les + de 65 ans et les personnes avec des comorbidités) par cette contrainte qui va surtout toucher les jeunes. Au final, ce sont eux qui iront se faire vacciner car ils n'auront plus accès à la salle de sport ou aux restaurants de façon facile ils n'auront pas envie de payer à chaque fois 30 euros pour aller faire des tests et y avoir accès."
Pour éviter d'avoir recours à ce système, Yves Coppieters estime que la Région bruxelloise doit tout simplement continuer à sensibiliser la population et convaincre les personnes à risques de se faire vacciner. "Je suis persuadé qu'il y a moyen que l'on atteigne une immunité de groupe, c'est-à-dire arriver à une bonne couverture immunitaire vaccinale ou post-infection dans les groupes cibles et à risques. Il y a moyen d'arriver à 95-100% de cette immunité. C'est auprès de ces groupes que les efforts doivent être réalisés. Si cela doit passe par l'obligation vaccinale ou des contraintes plus fortes pour favoriser leur vaccination, là je suis tout à fait d'accord."