La Cour constitutionnelle confirme l'interdiction d'abattage sans étourdissement préalable

L'abattage sans étourdissement préalable est bel et bien interdit, confirme la Cour constitutionnelle.

Belga
La Cour constitutionnelle confirme l'interdiction d'abattage sans étourdissement préalable
©BAUWERAERTS DIDIER

La Cour constitutionnelle a rejeté jeudi les recours introduits contre l'interdiction wallonne et flamande de l'abattage d'animaux sans étourdissement préalable. Cette obligation générale de prévoir un étourdissement de l'animal (éventuellement réversible) est en vigueur dans les deux Régions depuis 2019. Des associations religieuses islamiques et des personnalités de la communauté juive s'étaient tournées vers la Cour constitutionnelle pour tenter de faire annuler les décrets concernés. L'Exécutif des Musulmans de Belgique ainsi que le CCOJB (Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique) font partie des nombreux requérants.

Pour ceux opposés à l'interdiction de l'abattage sans étourdissement, il y avait là violation de la liberté de religion. L'abattage rituel ne prévoit en effet pas d'étourdissement de l'animal, qui doit être intact avant la mise à mort. La Cour admet que l'obligation générale d'abattage avec étourdissement restreint d'une certaine manière la liberté de religion des croyants juifs et islamiques, mais appuie également que "la protection du bien-être des animaux en tant qu'êtres sensibles constitue un objectif légitime d'intérêt général", communique-t-elle en parallèle de son arrêt. Il y a consensus scientifique sur le fait que l'étourdissement préalable est le meilleur moyen de réduire la souffrance de l'animal. La Cour note également que les deux Régions ont veillé à écouter les intervenants et ont tenté de trouver un équilibre en autorisant un "étourdissement réversible" pour les abattages religieux. Il s'agit d'un étourdissement électrique (électronarcose) qui provoque une perte de conscience et de sensibilité de l'animal, mais qui n'entraine pas la mort, d'où son aspect "réversible".

"La liberté de pensée, de conscience et de religion doit être interprétée à la lumière des conditions de vie actuelles et des conceptions prévalant de nos jours dans les États démocratiques", ajoute encore la Cour constitutionnelle dans sa communication. Or, la protection du bien-être des animaux constitue "une valeur éthique à laquelle il est attaché une importance accrue dans la société belge, ainsi que dans d'autres sociétés contemporaines", selon la Cour.

La haute juridiction a rejeté les autres griefs qui avaient été avancés par les requérants: non-respect du principe de séparation de l'Église et de l'État, du droit au travail et au libre choix d'une activité professionnelle, et du principe d'égalité et de non-discrimination.

La Cour belge s'était tournée vers la Cour de Justice de l'Union européenne, s'interrogeant sur l'interprétation à donner aux règles européennes en la matière (protection des animaux au moment de la mise à mort). Celle-ci avait répondu en décembre 2020, allant clairement dans le sens du maintien de l'interdiction de l'abattage sans étourdissement. Elle estimait que les règles européennes n'empêchaient pas d'adopter des règles supplémentaires pour une plus grande protection des animaux, y compris pour les abattages religieux.

L'association Gaia, qui est intervenue dans les échanges à la Cour constitutionnelle, a réagi très positivement à l'arrêt, jeudi. "On met ainsi fin à un long combat juridique au bénéfice de décrets démocratiques qui visent uniquement à prévenir de la souffrance animale évitable et confirmée scientifiquement", a commenté son président Michel Vandenbosch, via communiqué. "Prochaine étape: la Région bruxelloise", ajoute Gaia. L'association rappelle que le ministre bruxellois compétent, Bernard Clerfayt (DéFI), avait indiqué attendre l'arrêt définitif de la Cour constitutionnelle. Il n'y a plus aucune raison de ne pas introduire une interdiction légale de l'abattage sans étourdissement dans la capitale, estime l'organisation.

M. Clerfayt a lui-même annoncé, juste après la publication de l'arrêt, qu'il mettrait le dossier sur la table du gouvernement Vervoort avant la fin du mois d'octobre.

Le CCOJB, qui était partie requérante, parle quant à lui d'un "retour à la case départ". Pour le Comité de Coordination des Organisations Juives de Belgique, la Cour constitutionnelle "refuse de protéger les minorités religieuses". Son président Yohan Benizri voit dans l'arrêt une permission de la chasse "par tradition", mais un refus d'une "exception similaire" pour la communauté juive, "et ceci au nom du bien-être animal de pauvres bêtes qui ne sont nées que pour finir dans nos assiettes". "Le combat ne s'arrêtera pas pour autant", annonce-t-il.

La comparaison avec la chasse et la pêche, où les animaux sont en effet tués sans étourdissement, avait été également examinée par la CJUE, dont les arguments sont repris par la Cour constitutionnelle. La Cour met essentiellement en avant qu'il s'agit de situations très différentes dont on ne peut pas comparer les paramètres.

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