Des experts surpris par les annonces de la Flandre pour faire face à la hausse des contaminations: "C'est une mauvaise communication"
Le gouvernement flamand veut étendre la troisième injection de vaccin contre le coronavirus à toute la population, ce qui a provoqué une levée de boucliers dans le pays. Les scientifiques sont unanimes: cette mesure est loin d'être nécessaire actuellement. Pour Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l'ULB, les deux doses suffisent amplement.
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Publié le 25-10-2021 à 14h29 - Mis à jour le 25-10-2021 à 15h37
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C'est le débat sanitaire du moment. Le gouvernement flamand a annoncé vendredi vouloir étendre l'administration d'une troisième dose à l'ensemble de la population. Une annonce qui en a laissé plus d'un perplexe. "Pour l'instant, il n'y a aucune preuve scientifique que l'immunité diminue dans la population jeune et en bonne santé", a réagi ce samedi le chef de la Taskforce vaccination, Dirk Ramaekers. Pour rappel, seules les personnes de plus de 65 ans et les immunodéprimés peuvent déjà recevoir une troisième injection.
Le ministre de la Santé Frank Vandenbroucke a rappelé qu'une telle décision devrait d'abord recevoir l'aval du Conseil supérieur de la santé, qui se penche actuellement sur l'administration d'une troisième dose pour les soignants, les personnes présentant des comorbidités et celles vaccinées avec l'AstraZeneca ou le Johnson&Johnson.
A ce stade, la communauté scientifique semble unanime pour dire que les deux doses suffisent. "Je ne sais pas sur quoi la Flandre se base", confirme auprès de La Libre Eric Muraille, biologiste et immunologiste à l'ULB. "La troisième dose pour les immunodéprimés ou les personnes de plus de 65 ans fait sens. Chez ces individus, le vaccin marche nettement moins bien. Mais pour l'ensemble de la population, c'est non", assure-t-il.
"Un troisième dose est utile quand l'immunité face au virus diminue. Ce qui est le cas pour les personnes âgées, et immunodéprimées notamment", précise Nathan Clumeck, professeur en maladies infectieuses à l'ULB "Mais une étude sur les anticorps après vaccination a montré que les personnes en dessous de 50 ans maintiennent leur taux d'anticorps. Il n'y a aucune nécessité d'une 3e dose pour cette catégorie de personnes", appuie-t-il, corroborant ainsi les propos de Dirk Ramaekers.
Par contre, le professeur Clumeck va un peu plus loin et trouverait logique d'étendre une troisième injection à toutes les personnes fragiles, à savoir celles atteintes de maladies, peu importe leur âge.
Certains évoquent la 3e dose comme un boost pour passer l'hiver, renchérit Eric Muraille mais selon lui "le gain sera extrêmement faible par rapport à la mobilisation engendrée. Les effets ne dureront que quelques mois". Pour le docteur, il vaudrait mieux attendre le développement de vaccins contre les variants. "Une troisième dose c'est plus du cosmétique ou de la comm', sauf pour les personnes à risque bien sûr", affirme-t-il.
Mauvaise communication
Et Eric Muraille est sans appel : "Une troisième dose pour tous, c'est une mauvaise communication : ça revient à dire que les deux doses ne sont pas suffisantes pour avoir une protection correcte, or ce n'est pas le cas", insiste-t-il . "L'immunité induite par deux doses permet d'éviter les forts symptômes et les hospitalisations. Il ne faut pas oublier que le but du vaccin ce n'est pas d'éviter les infections, mais d'éviter la pathologie. Et les deux doses font le job pour cela", rappelle l'immunologiste.
Et en effet, dans la majorité des cas, ce sont les personnes non vaccinées qui se retrouvent en soins intensifs à l'heure actuelle, confirme Nathan Clumeck.
"Le gouvernement flamand, qui a toujours été opposé à tout ce qui pourrait bloquer l'économie, voit peut-être en la 3e dose une solution miracle qui éviterait de réinstaurer des mesures", suppose Eric Muraille. D'autant que face à la hausse des contaminations en Belgique, "les mesures de distanciation et le port du masque, ça ne coûtepas trop cher comme précautions", estime-t-il.
D'abord deux doses pour tous
L'expert s'aligne aussi sur les recommandations de l'OMS : il faut d'abord vacciner davantage de personnes, ce qui permettrait de limiter l'apparition de variants. A travers le monde donc, mais aussi en Belgique où il subsiste encore des disparités entre les territoires.
"Mais ce qu'il faut savoir, c'est qu'on ne se débarrassera pas du virus tout de suite. Ce n'est pas l'objectif du vaccin, qui induit une immunité. Et c'est d'ailleurs une bonne chose que le virus circule car ça permet de restimuler notre immunité, dans le cas où on est vacciné", conclut le médecin.