Le confinement des non-vaccinés, comme en Autriche, est-il une solution pour contrer la hausse des contaminations en Belgique ?
Faut-il envisager un confinement à l'autrichienne, soit seulement pour les personnes non-vaccinées, en Belgique ? S'agit-il d'une décision purement politique ? Deux experts font le point.
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Publié le 15-11-2021 à 18h13 - Mis à jour le 16-11-2021 à 20h26
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"La situation est grave. (...) Nous ne prenons pas cette mesure le cœur léger mais malheureusement elle est nécessaire" , a déclaré le chancelier autrichien dimanche, avant d'annoncer le reconfinement partiel de sa population . Pour faire face à la situation sanitaire qui ne cesse d'empirer dans le pays, l'Autriche a décidé de confiner les non-vaccinés. Des millions de personnes sont concernées par cette mesure, qui sera d'application pendant au minimum dix jours. Mais celle-ci a-t-elle réellement un sens d'un point de vue épidémiologique ?
" Ce n'est pas une vision de santé publique ", tranche Yves Coppieters, qui essaye d'en comprendre l'objectif. Le but peut être de convaincre les non-vaccinés de franchir le pas afin de pouvoir à nouveau circuler librement. "C'est ce que les premiers reportages montrent : les gens vont davantage se faire vacciner ", souligne l'expert en santé publique. Ce ne serait pas une première : un effet similaire avait été constaté, d'abord en France au lendemain de l'annonce d'Emmanuel Macron sur l'entrée en vigueur des pass sanitaires, puis plus légèrement en Belgique lors de la mise en place du Covid Safe Ticket.
Une vision sans nuance
Par contre, " si l'objectif est de diminuer la circulation du virus dans la société, là, ça ne sert à rien ", estime Yves Coppieters. " On sait que les vaccinés aussi contribuent à la circulation du virus et que le confinement des non-vaccinés ne va pas fortement diminuer cette circulation ", ajoute-t-il. Un avis partagé par Yves Van Laethem, le porte-parole interfédéral. Tous deux critiquent cette vision binaire de la situation et de la société. " Cela ne va rien résoudre car on sait qu'il y a des contacts entre les vaccinés et les non-vaccinés. Ce ne sont pas des clans qui vivent séparés" , rappelle Yves Van Laethem. Il pointe le côté clivant de la mesure. " Je pense qu'en faisant ça, on divise la société plus qu'autre chose et qu'on ne répond pas à la circulation virale importante que l'on a dans beaucoup de pays européens ".
" C'est comme si cette crise ne pouvait être que binaire : il y a des vaccinés et des non-vaccinés, des confinés et des non-confinés, des anti-pass et des pro-pass, etc. La crise n'est pas binaire; elle est beaucoup plus complexe que ça ", déplore de son côté Yves Coppieters. Selon lui, il faut apporter des nuances à la situation et tenir compte des particularités de chacun. En effet, nous ne sommes pas tous égaux face au vaccin et face au Covid-19. " Il y a des vaccinés qui perdent leur immunité, d'autres qui la gardent. Il y a des non-vaccinés qui ont une très bonne immunité et ne sont pas à risque, d'autres qui sont à risque et qui sont bêtes de ne pas se faire vacciner", rappelle l'expert. "Je trouve cela un peu triste de systématiquement voir les choses de façon dichotomique ".
Éviter la saturation des hôpitaux ?
En ce qui concerne l'effet sur les hôpitaux, qui sont proches de la saturation en Autriche, les experts se montrent une fois de plus sceptiques. Pour Yves Coppieters, un confinement partiel comme celui-ci ne changera rien : " Reconfiner des parties de la population ne sert pas à grand-chose. On avait déjà discuté de ça à l'époque en Belgique, en disant que l'on allait reconfiner les personnes de plus de 65 ans. Mais ce n'est pas applicable dans la vie de tous les jours ."
"L'hypothèse autrichienne ne me paraît pas la plus adéquate pour répondre à la circulation virale ", estime quant à lui Yves Van Laethem. " Je pense qu'il ne faut pas miser seulement sur le vaccin. C'est une erreur que l'on a probablement faite. Le vaccin est fondamental à moyen et à long terme, mais il ne suffit pas. Il y a d'autres mesures qui sont encore nécessaires". C'est d'ailleurs la stratégie qui sera probablement adoptée par les autorités belges, lors du Comité de concertation de ce mercredi. " On veut surtout éviter un confinement ", rapporte l'expert. " Je ne pense pas que ce sera à l'ordre du jour en Belgique dans les semaines qui viennent".
A la place, la Belgique opterait plutôt pour l'ajout de mesures complémentaires . " Rajouter le testing à l'entrée des boîtes de nuit en plus du CST, pour moi, c'est tout à fait raisonnable. Réimposer le port du masque à l'intérieur et favoriser activement le télétravail aussi ", commente Yves Coppieters. " Ce n'est pas retourner chacun chez soi, mais quand même : le télétravail, porter un masque en continu à l'intérieur et se faire tester lorsque l'on est dans un événement à haut risque, on est déjà dans du reconfinement. Ce n'est pas enfermer les gens chez eux à tout prix qui est le signe d'un reconfinement" , conclut-il.