La vaccination obligatoire, un jeu dangereux pour Yves Coppieters: "Obliger les 15% de non-vaccinés ne fera pas changer leur position"
Depuis ce week-end, le sujet de l'obligation vaccinale revient sur la table. Faut-il l'appliquer à l'ensemble de la population belge ? Ou seulement à certains secteurs clés ?
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Publié le 16-11-2021 à 06h30 - Mis à jour le 16-11-2021 à 20h26
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"Si l'on voit que l'on a des reports de soins, comme ça a été le cas avant, il faudra mettre sur la table l'obligation vaccinale", déclarait dimanche midi Christie Morreale, sur le plateau de RTL. Ce lundi, le ministre flamand de la Santé Wouter Beke (CD&V) indiquait "fermement" vouloir ouvrir le débat. La vice-Première ministre Petra De Sutter (Groen) se disait quant à elle favorable au débat afin d'éviter de créer un clivage trop important de la société.
L'obligation vaccinale pourrait-elle être une solution pour aider à freiner la progression de l'épidémie en Belgique ? "Je ne pense pas que l'on soit mûr, à aucun point de vue, pour la vaccination obligatoire dans notre pays. En tout cas de l'entièreté de la population", juge Yves Van Laethem, qui souligne la difficulté de mettre en pratique ce genre de mesure dans l'immédiat. "Que faire de ceux qui disent non ? Comme nous sommes dans un pays démocratique, quelle serait la sanction ?", s'interroge-t-il. "Je ne vois pas comment on pourrait résoudre ça en deux coups de cuillère à pot alors qu'on nous dit que la vaccination obligatoire pour les soins de santé, ce ne serait pas avant avril 2022. Si c'est pour trouver des solutions valables pour l'été ou l'automne prochain, je ne pense pas que c'est ça qui va nous aider beaucoup actuellement", estime l'expert.
Pour Yves Coppieters, il est également trop tôt pour évoquer cette possibilité. Selon le professeur de santé publique, la vaccination obligatoire ne peut pas se faire avec les vaccins de première génération que l'on connaît actuellement. En cause ? Le manque d'efficacité des vaccins pour freiner les contaminations, ainsi que la présence d'effets secondaires graves, même si ces derniers demeurent très rares. Pour envisager une obligation vaccinale d'un point de vue de santé publique, un vaccin devrait répondre à plusieurs critères. "Il faut un vaccin bon marché, de très bonne qualité en termes d'efficacité (tant sur les formes cliniques que sur les transmissions), qui n'ait quasiment pas d'effets secondaires graves et qui soit accepté par la population en termes de technologie", analyse Yves Coppieters. "Il faut quelque chose qui fasse l'unanimité de façon beaucoup plus forte au sein de la population".
Et les soignants ?
Si la vaccination obligatoire pour la totalité de la population belge n'est pas encore à l'ordre du jour, le Kern s'est accordé lundi soir sur l'obligation vaccinale du personnel soignant, comme c'est déjà le cas dans d'autres pays. "C'est ultra-urgent. À partir du 1er avril 2022, je veux qu'aucun soignant non-vacciné ne soit encore en contact avec un patient", déclarait à ce sujet Frank Vandenbroucke, ministre fédéral de la Santé, sur le plateau de la RTBF jeudi dernier. C'est désormais chose faite : le personnel non-vacciné du secteur des soins de santé sera mis au chômage temporaire dès le 1er janvier 2022.
Mais si l'obligation vaccinale dans le secteur des soins de santé se justifie sur le plan scientifique et déontologique, celle-ci pourrait mettre à mal un système déjà en mauvaise posture. Après près de deux ans de crise, les hôpitaux belges peinent en effet à maintenir tous leurs services ouverts. Si la Belgique compte en principe 2000 lits en soins intensifs, dans la pratique, le manque de personnel cause une perte estimée d'environ 5% des lits.
Dès lors, l'obligation vaccinale peut être un "jeu dangereux", regrette Yves Coppieters. "Pour les 15% qui ne sont pas vaccinés actuellement, ce n'est pas l'obligation qui va changer leur position. Ce sont des gens qui vont se réorienter, qui vont changer de métier, qui vont quitter le secteur hospitalier. Le système de santé risque de perdre encore plus de ressources humaines, alors qu'il est déjà déficitaire actuellement", avertit l'expert, qui craint les conséquences négatives de cette décision.