"C'est comme si nous étions déjà passés à la trappe" : les sinistrés veulent être entendus par la commission d’enquête Inondations
À Verviers, certains propos de la bourgmestre tenus en commission passent mal. Des témoins s’expriment. Quatre mois après la catastrophe, des sinistrés se sentent oubliés.
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Publié le 23-11-2021 à 09h54
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Le vendredi 19 novembre, la bourgmestre de Verviers, Muriel Targnion, très bien préparée, précisait devant la commission d'enquête Inondations du Parlement wallon que sa ville, qui a été inondée la nuit du 14 au 15 juillet 2021, n'était pas concernée le 14 juillet par des risques d'inondations. Et qu'il n'y avait pas de raisons d'évacuer. "Faux", répondent plusieurs Verviétois fortement touchés par la crue de la Vesdre dans le quartier de Pré-Javais installé au bord de la rivière. "La colère commence à monter au sein de la population", explique Maria Alonso, qui vit toujours dans sa maison, où les déshumidificateurs tournent à plein régime. Les murs ne sont toujours pas secs, quatre mois après. Alors elle fait comme elle peut, vit au premier étage et déplore les propos de sa bourgmestre. "Le mercredi, nous avions déjà de l'eau dans la cave. Nous voulions aller chercher des sacs de sable à la commune. Il nous a été répondu qu'il fallait aller en chercher dans un magasin. L'eau continuait à monter et nous avons été obligés de couper l'électricité parce que les compteurs sont dans la cave."
Elle évoque l'absence de réaction des pouvoirs publics ce jour-là. "Dans la rue se trouve le Musée archéologique. J'ai vu trois échevins qui étaient sur place pour constater qu'il y avait de l'eau dans les caves du musée. Ils ne sont jamais venus chez nous. Nous n'avons reçu aucune info. À un moment, on a vu deux chevaux dans la Vesdre et ils se sont fracassés contre un pont. Mais, comme nous ne recevions pas d'alerte pour évacuer et que les autorités communales ne communiquaient pas avec nous, nous sommes restés. Pendant la nuit, la vague est arrivée et il y avait un mètre d'eau au rez-de-chaussée."
Pierre Teller, un ingénieur agronome qui vivait avec sa compagne dans le même quartier - il a été relogé via une amie -, déplore aussi l'absence des pouvoirs publics avant, pendant et après les inondations. "Le 14 juillet, je suis allé voir sur le site internet du SPW pour voir le débit de la Vesdre. J'ai l'habitude de lire ce genre de données, mais ce n'était pas très clair. J'ai appelé plusieurs personnes dans l'administration, mais sans recevoir aucune réponse. Lorsque l'eau est entrée au rez-de-chaussée de la maison, le 14 juillet, nous avons décidé partir. Le pont sur la Vesdre était fermé. Par qui ? Par les autorités, je suppose. Mais on ne nous a rien dit. Depuis lors, les policiers, on ne les voit pas non plus alors que les maisons sont la proie des pilleurs."
"Tout était sous contrôle"
Le son de cloche est à peu près identique chez les sinistrés de Trooz. "Quatre mois se sont passés depuis les inondations et c'est comme si nous étions déjà passés à la trappe." Le ton avec lequel Mireille Fernandez évoque sa situation de sinistrée des inondations de la mi-juillet est dur. Elle vit dans le quartier de La Brouck. Elle travaille pour la police fédérale et ne voit toujours pas le bout du tunnel. En parlant, elle montre des vidéos et des photos du mercredi 14 juillet lorsque la Vesdre est sortie de son lit pour inonder tout ce qui se trouvait aux alentours. "Le mercredi 14 juillet au matin, la Vesdre n'était pas encore sortie. J'ai passé quelques coups de téléphone auprès de la commune et des services de secours et on m'a dit qu'il ne fallait pas évacuer, que tout était sous contrôle." Quelques heures plus tard, lorsqu'elle voit que le réfectoire de l'école située près de chez elle a été emporté par les eaux, il est trop tard pour partir, plus rien n'était sous contrôle.
Ce sentiment d’abandon qu’elle partage avec un très grand nombre de ceux qui, dans la vallée de la Vesdre, se sont retrouvés sous eau à la mi-juillet, elle ne le digère pas. Une colère qui s’accentue du fait que, quatre mois plus tard, sa maison est toujours inhabitable et qu’elle a des brûlures aux mains à cause des hydrocarbures se trouvant dans l’eau.
Le coût des déshumidificateurs
Ajoutons que les déshumidificateurs - elle en a trois qui tournent en permanence - consomment énormément d'électricité et qu'elle se demande si c'est elle qui devra en assumer le coût. "J'ai dû arracher le carrelage et le plafonnage chez moi. J'ai déjà reçu trois avances des assurances de 10 000 euros chacune, mon véhicule a été indemnisé, mais l'expertise pour la maison n'aura lieu que le 7 décembre." Pour l'instant, Mireille vit à Herstal, relogée par son employeur. Comme les autres, elle ne sait pas quand elle pourra à nouveau habiter sa maison, enfin saine et refaite. Pour toutes ces raisons, nos interlocuteurs et d'autres souhaitent être entendus par la commission d'enquête Inondation. "Je crains qu'on essaie de nous faire avaler des couleuvres", explique Mireille Fernandez. "Des comités de quartier se sont mis en place, comme au Pré-Javais. Ils sont prêts à s'exprimer", conclut Maria Alonso.