La crise du Covid ébranle le statut d’indépendant
La maladie et la perte d’activité ont marqué les esprits, selon le baromètre de "sécurité sociale" de l’UCM.
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Publié le 20-12-2021 à 06h46
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C'est une période compliquée. Cela fait trois ans que je retravaille seul, avec l'aide de mon épouse, mais j'ai compté jusqu'à cinq employés. Cela ne va plus changer jusqu'à la pension, d'autant que les prix des fleurs sont devenus très volatils, comme les envies des gens", soupire Benoît Mahy, fleuriste à Dinant.
Les témoignages de lassitude, de ras-le-bol, de craintes pour la survie de l’activité affluent depuis des mois du côté des indépendants. La crise touche de plein fouet le secteur médical, au bord de l’asphyxie, mais d’autres secteurs d’activité peinent à trouver un second souffle, d’autant que la crise sanitaire dure. C’est, en résumé, ce qu’il faut retenir du baromètre annuel de l’Union des classes moyennes (UCM) relatif à la sécurité sociale.
Partir de manière plus flexible à la pension
Cette appréhension transparaît dans les résultats de cette enquête - menée depuis mai et portant sur 675 entreprises. Au niveau des pensions d’abord. Alors que les gouvernements (la "suédoise" et la Vivaldi) ont mis en chantier la revalorisation des pensions les plus basses pour les indépendants, et supprimé il y a quelques mois le coefficient de correction pour le calcul de la pension de ce statut, l’avenir ne leur semble pas enthousiasmant.
Le niveau de la pension, trop faible pour 86 % des indépendants, et les doutes sur la soutenabilité financière du système des pensions (pour 55 %) sont les principales préoccupations des indépendants en matière de pension, qu’ils ont en outre du mal à jauger. L’inquiétude par rapport aux fins de carrière à 67 ans bondit à 42 % (+15 % par rapport à l’enquête de 2019). Plus de six indépendants sur dix souhaiteraient pouvoir anticiper plus librement leur pension, quitte à recevoir une retraite un peu plus faible.
"De nombreux indépendants ont expérimenté la cessation d'activité ou une grosse perte d'activité. D'autres ont connu la maladie, explique Renaud Francart, expert "sécurité sociale" à l'UCM. Cela se ressent au niveau des résultats de l'enquête, et pas seulement sur les pensions, puisque le besoin d'une meilleure couverture 'proportionnelle' en cas d'arrêt-maladie de longue durée ressort nettement (pour 59 % d'entre eux). Pour en revenir à la pension, si c'est vrai que le coefficient de correction va être supprimé, cela ne se fera que progressivement, de sorte qu'il faudra attendre… 2066 pour que les effets de ce système bridant les pensions des indépendants ayant cotisé normalement pendant 45 ans disparaissent complètement."
Gros déficit budgétaire
Autre élément marquant de l’enquête : l’ampleur des charges sociales. Ici aussi, cela peut sembler contradictoire. Des systèmes d’aides structurels existent depuis des années, et d’autres, plus conjoncturels, pour faire face à la crise, ont été mis en place dès mars 2020. Mais un indépendant sur trois estime que les cotisations sociales restent lourdes et difficiles à honorer. Seul un sur deux pense qu’elles sont supportables. C’est ennuyeux, parce qu’on ne peut pas dire que les comptes du statut soient à l’équilibre.
"On a fait face à un déficit de 3,5 milliards en 2020, 2,8 milliards en 2021 et les estimations portent sur un malus de près de 400 millions d'euros pour 2022. Idéalement, pour revenir à l'équilibre, il faudrait donc que les cotisations soient plus élevées. On voit au travers de cette enquête que ce n'est pas acceptable. Il faudrait qu'on ait une vision sur la manière dont on améliore le statut social des indépendants lorsque la crise sera derrière nous. Nous n'y sommes pas encore. Loin de là. Ce qui implique sans doute de travailler en priorité sur des indemnités davantage proportionnelles", poursuit l'expert de l'UCM. Pour qui il ne faut dépenser par priorité que "là où les risques sont les plus élevés, et seulement en fonction des moyens de notre sécurité sociale".
Troisième constat marquant de ce baromètre annuel - qui montre encore une fois que la crise aura permis aux indépendants et indépendantes de prendre conscience d’une certaine fragilité de leur situation - : le besoin de couvrir les pertes de pouvoir d’achat.
"Personnellement, je suis dans un secteur relativement épargné. Les gens se font davantage plaisir en achetant l'une ou l'autre bouteille de qualité au lieu d'aller au restaurant, mais je suis bien conscient que le pouvoir d'achat est devenu une vraie préoccupation", explique ce caviste de la Maison du Vin à Sorinnes.
En général, oui, c'est la soupe à la grimace. Surtout quand la maladie frappe à la porte. Pour 86 % des indépendants, les forfaits actuels sont insuffisants. Y compris pour les maladies de courte durée. Ce qui est habituel, non ? "Non, c'est plus marqué que les années précédentes. L'expérience de la maladie et de la cessation d'activité ces derniers mois a marqué les esprits. Mais de là à promouvoir le droit passerelle comme assurance chômage, c'est un pas que nous ne franchirons pas. Ce serait impayable. Sans doute faudrait-il que le système actuel soit moins rigide, mais en élargissant de manière ciblée les droits sociaux pour ceux qui en ont véritablement besoin", conclut M. Francart.