"La psychothérapie est la manière la plus sûre de traiter la dépression des adolescents"
La moitié des 12-18 ans qui prennent des antidépresseurs y recourent, selon une étude des Mutualités libres.
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Publié le 25-01-2022 à 06h30 - Mis à jour le 02-02-2022 à 16h13
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Jamais on n’aura autant parlé de la santé mentale, des jeunes en particulier, qu’à l’occasion de la crise sanitaire liée à la pandémie. Le Covid-19 aura au moins eu l’avantage de focaliser l’attention sur une question de santé publique qui passe d’ordinaire sous les radars.
Une étude des Mutualités libres sur l'"Utilisation d'antidépresseurs et de prestations psychothérapeutiques chez les adolescents" vient éclairer une problématique qui reste sous-diagnostiquée, notamment à cause des humeurs changeantes et de l'irritabilité liées à cette tranche d'âge. Pas toujours évident de faire la part des choses quand un gamin de 16 ans se retranche dans sa chambre et observe un mutisme complet face aux questions de ses parents. Pique-t-il une crise contre ses vieux qui lui cassent les pieds ou cache-t-il un malaise plus profond ?
Chez les 12-18 ans, la dépression majeure est pourtant considérée comme alarmante car elle interfère sur les performances émotionnelles, sociales, cognitives et scolaires des intéressés.
Quels diagnostics ?
Quelle est la proportion de jeunes concernés ? La prévalence de la dépression des ados est difficile à établir et (très) variable d’une étude internationale à l’autre, relève l’analyse des Mutualités libres, mais on l’estime entre 4 et… 19 % des ados.
Et en Belgique ? L'étude des Mutualités libres se base sur les données de remboursement (des antidépresseurs et des séances de psychothérapie) de l'assurance obligatoire pour les 12-18 ans entre 2018 et 2020. Cela ne permet pas d'avoir une vue à 360 degrés sur la problématique, convient Ludo Vandenthooren, qui a dirigé l'étude. "Nous n'avons pas d'aperçu des jeunes affiliés qui n'ont pas été diagnostiqués ou qui prennent des médicaments non remboursés et/ou de la phytothérapie."
Autre limite pointée par le détenteur d’un master en psychologie biologique : on ne connaît pas les diagnostics pour lesquels les antidépresseurs ont été prescrits - cela relève du secret médical. Par ailleurs, un grand nombre de jeunes qui consultent un psychologue ne sont très probablement pas identifiés, vu que les remboursements pour ce type de soins ne sont possibles que depuis la mi-2020 pour les moins de 18 ans.
Une utilisation généralement faible
Ces précisions faites, l’étude sur les données des affiliés âgés de 12 à 18 ans montre que l’utilisation d’antidépresseurs est généralement faible (1,1 % en 2020), même si elle augmente progressivement avec l’âge. Les filles sont deux fois (1,4 %) plus touchées que les garçons (0,7 %).
Les données des Mutualités neutres montrent que les molécules les plus utilisées sont la Sertraline (24 %), l’Escitalopram (21,9 %) et le Trazodone (18 %), avant, la plus étudiée, la Fluoxétine (9,6 %). Cette dernière est pourtant la seule recommandée chez les jeunes, les autres pouvant avoir des effets secondaires graves, comme une augmentation accrue du risque de suicide.
Les médecins généralistes (dans 45 % des cas) et les psychiatres (42,8 % des cas) se trompent-ils alors dans leurs prescriptions ? "Non, on ne peut pas conclure cela, répond Ludo Vandenthooren. Les antidépresseurs sont aussi utilisés dans d'autres indications, comme les troubles anxieux, tels que les troubles obsessionnels compulsifs (Toc), pour lesquels d'autres molécules, dont la Sertraline, se sont révélées efficaces dans une population plus jeune", explique-t-il. En outre, certaines publications récentes suggèrent aussi que les molécules précitées ne seraient pas si dangereuses qu'on le croyait. "Les médecins font toujours un choix éclairé, dans l'intérêt du patient, en tenant compte des avantages et des inconvénients", insiste le directeur de l'étude.
"Récupérations spontanées"
Autre constat qui ressort de l’étude : six ados sur dix (62 % en 2020) prennent des antidépresseurs pendant moins de 6 mois, alors qu’on recommande de poursuivre le traitement de 6 à 9 mois pour garantir son efficacité et éviter les risques de rechute à (très) court terme. Ici encore, il y a des explications. Si un antidépresseur est pris pour une autre indication, il ne faut pas forcément l’administrer aussi longtemps. Il y a aussi beaucoup de "récupérations spontanées" chez les ados (dont le cerveau subit des changements majeurs), qui sont notamment dues à l’effet placebo de l’antidépresseur (30 % dans le cas de la Fluoxétine) ; l’utilisation prolongée n’est alors pas nécessaire.
L'étude montre enfin qu'environ la moitié des adolescents qui prennent des antidépresseurs ont également recours à la psychothérapie. "Il s'agit d'une évaluation positive, soulignent les Mutualités libres, car la psychothérapie est la manière la plus sûre de traiter une dépression."
Recommandations: priorité à la prévention
Psychoéducation. Pour agir sur les troubles dépressifs des jeunes, les Mutualités libres recommandent de renforcer la prévention. La psychoéducation doit faire partie d’un processus pour informer les 12-18 ans sur ces troubles et leur traitement. Via, par exemple, des cours sur la santé mentale en milieu scolaire. Des campagnes sur les réseaux sociaux, des applis et des sites web dédiés sont aussi à envisager pour toucher ce public.
Aide psychologique. Avant de commencer la prise d’antidépresseurs, les Mutualités libres préconisent la psychothérapie pour les ados. Les soins psychologiques de première ligne font désormais l’objet d’un meilleur remboursement. Il faut aller plus loin. Les Mutualités libres interviennent déjà, en assurance complémentaire, dans le remboursement de séances de soutien psychologique.