Des mouettes de Louis Tobback aux propos de Conner Rousseau, les socialistes flamands peinent à trouver le positionnement juste
C’est toujours un peu la même histoire qui semble se répéter. Louis Tobback, lorsqu’il était président du parti socialiste flamand, avait déjà choqué avec des propos sur l'immigration.
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Publié le 26-04-2022 à 20h55 - Mis à jour le 26-04-2022 à 20h56
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Le prisme politique est plus marqué à droite en Flandre qu'en Wallonie. À ce titre, il n'est, semble-t-il, pas toujours facile d'adopter un positionnement cohérent sur les questions d'immigration lorsqu'on est socialiste et flamand. La phrase du président de Vooruit, Conner Rousseau, sur Molenbeek, relayée par le magazine Humo, est-elle une nouvelle fois synonyme d'un problème de positionnement ? On peut le penser.
Dave Sinardet, politologue à la VUB et à l'Université Saint-Louis, explique que les socialistes flamands épprouvent depuis des dizaines d'années un problème de positionnement. "Les socialistes flamands comme d'autres en Europe ont des difficultés avec la question de l'immigration et de la diversité." Et c'est lié à leur électorat, bien entendu. "Ils ont vu partir une part de leur électorat traditionnel vers la droite radicale." Le politologue lorgne la France. "On voit bien d'où vient une partie importante de l'électorat de Marine Le Pen."
Déjà dans les années 1990
Mais la question de l'immigration semblait déjà poser problème à Vooruit ou plus exactement à ses prédécesseurs - le SP et puis le SP.A - déjà dans les années 1990. "On se rappellera que Louis Tobback, lorsqu'il était président du parti, avait tenté d'évoluer vers un discours plus à droite, en matière d'immigration. Il compensait par un discours plus à gauche sur les questions socio-économiques. Il disait que les demandeurs d'asile étaient comme des mouettes au-dessus d'une décharge."
À l'époque, cette déclaration avait évidemment fait grand bruit. "Il ajoutait aussi un discours plutôt dur sur les sujets éthiques affirmant son opposition au mariage gay." Ce positionnement n'avait finalement pas duré longtemps, puisque les déclarations de Tobback avaient créé certains remous au sein du parti. "Une partie des mandataires socialistes du nord du pays considérait que les propos de Tobback étaient contraires aux principes socialistes."
La même histoire qui se répète
Et c'est toujours un peu la même histoire qui semble se répéter. Néanmoins, sous la présidence de Steve Stevaert puis sous celles de Caroline Gennez et de Bruno Tobback, "le parti préférait éviter ces thèmes, comme les socialistes francophones d'ailleurs".
Quelques années plus tard, un autre président du SP.A, John Crombez, tenta, lui aussi, de droitiser le discours du parti sur ces mêmes questions d'immigration. En 2016, il considérait que, pour sortir l'Europe de la crise migratoire, il fallait employer la méthode du push back. En gros, il s'agissait d'accueillir un nombre réduit de migrants arrivés en Turquie et de renvoyer les autres, massivement, par ferry. "Il s'était fait lui aussi rappeler à l'ordre au bureau du parti."
Selon Dave Sinardet, Vooruit souffre au nord du pays, et depuis longtemps, d'une image qui n'est pas vraiment la sienne. "Contrairement aux intentions qu'on leur prête, les socialistes flamands ne sont pas pour un modèle de frontières ouvertes." Mais le parti n'a jamais pu adopter une ligne claire sur les questions liées à l'immigration et à la diversité culturelle. Cela s'est parfois vu de façon très spectaculaire. "À l'époque où il était bourgmestre d'Anvers, Patrick Janssens a interdit le port du voile dans l'administration. À Gand, le bourgmestre, Daniël Termont, pourtant du même parti, a toujours refusé de prononcer une telle interdiction."
Une distance entre Flandre et Bruxelles
Selon Dave Sinardet, on peut considérer que Conner Rousseau va clairement dans une direction similaire que celles défendues en leur temps par Tobback et Crombez. "Mais il faudra une nouvelle fois voir s'il est suivi en interne." Le politologue constate d'ailleurs que les critiques les plus virulentes sont venues des socialistes flamands de Bruxelles. "Mais aussi de l'Open VLD et du CD&V bruxellois, ce qui tend à démontrer que les distances grandissent entre la Flandre et Bruxelles, comme c'était déjà le cas entre Bruxelles et la Wallonie. On l'a vu sur la question de l'abattage rituel sans étourdissement entre socialistes wallons et bruxellois qui ont pris des positions très différentes."
Pour le politologue d’ailleurs, le PS essaye d’éviter de devoir trop s’exprimer sur ces sujets compliqués. Même si la position plus confortable des socialistes au sud du pays leur facilite un peu les choses.Stéphane Tassin