Reprise des négociations pour l’ancrage structurel du télétravail
Syndicats et patronat se retrouvent ce mardi afin d’établir un cadre pour le télétravail "post-pandémie".
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Publié le 09-05-2022 à 11h22 - Mis à jour le 09-05-2022 à 11h30
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Seuls 7 % des travailleurs souhaitent retourner au bureau à plein temps, ressortait-il d’une étude menée par Acerta début mars. Si la pandémie de Covid semble toucher à sa fin, le télétravail est lui bel et bien amené à s’inscrire dans la durée, et le gouvernement l’a bien compris.
Lors du Comité de concertation du 4 mars, le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD) a ainsi invité les entreprises et les services publics, en concertation avec les partenaires sociaux, à définir un régime structurel de télétravail. "Pour être honnête, notre première demande aux partenaires sociaux remonte déjà à fin novembre 2020, précise le cabinet de Pierre-Yves Dermagne (PS), ministre fédéral du Travail. Mais on attend toujours une réponse."
Si une première réunion s'est tenue au sein du Conseil national du travail (CNT) début février, les négociations sont depuis lors au point mort. Un retard justifié dans les rangs du patronat par un agenda de concertation sociale "très chargé" et par un timing peu approprié. "Nous avons ralenti le processus car nous étions encore en pleine crise, précise Monica De Jonghe, administratrice générale de la Fédération des entreprises de Belgique (FEB). Cela n'avait pas de sens d'entamer les discussions avec les partenaires sociaux tant que le télétravail restait obligatoire ou fortement recommandé et qu'on n'était pas revenu à la normale."
Maintenant que la situation épidémiologique évolue favorablement, syndicats et patronat vont à nouveau pouvoir se pencher sur le dossier. Une réunion est prévue à cet effet ce mardi 10 mai.
Partir de la base existante
L’objectif des discussions est de parvenir à encadrer le télétravail en tenant compte des réalités actuelles et du contexte "post-pandémie". Actuellement, le télétravail est balisé par deux textes : la Convention collective de travail (CCT) 85 de 2005, qui structure le télétravail régulier, ainsi que la loi du 5 mars 2017 sur le travail faisable et maniable - mieux connue sous le nom de "Loi Peeters" - qui consacre un chapitre au télétravail occasionnel. Une convention (CCT 149) a également été conclue par les partenaires sociaux en pleine pandémie de Covid-19, pour répondre rapidement aux exigences du télétravail obligatoire.
Afin d'ancrer le télétravail sur le long terme, l'idée est de partir de la CCT 85, mais de l'actualiser avec des éléments de la CCT 149 et d'inclure de nouveaux principes. "Une refonte totale des textes n'est pas nécessaire, car c'est une bonne balise, mais il faut les adapter", confirme Joris Vandersteene, spécialiste de l'emploi à la FEB. "Il y a plusieurs éléments dans le cadre juridique actuel qui méritent d'être modernisés, analyse Manon Van Thorre, de la CSC. La CCT 85 remonte à près de vingt ans ? Nous ne sommes plus du tout confrontés aux mêmes réalités - technologiques notamment - qu'à l'époque."
Plusieurs pierres d’achoppement
Sur le fond, plusieurs éléments risquent de cristalliser les tensions. Si la FEB refuse de s’exprimer trop en détail sur le contenu des discussions pour "donner une chance aux négociations", elle rappelle tout de même que le télétravail ne doit en aucun cas redevenir une obligation, mais toujours se faire sur une base volontaire.
Le banc syndical rappelle, lui, que le télétravail doit être considéré comme un droit pour les travailleurs. "Il n'y a pas de raison que ce droit soit refusé s'il a été possible pendant la pandémie", précise la FGTB. La CGSLB revendique que chaque travailleur ait droit à deux jours de télétravail structurel par semaine, et que tout refus soit motivé par l'employeur. "Le système actuel est inéquitable car l'employeur peut refuser arbitrairement un jour de télétravail", dénonce la CSC. "Un droit absolu au télétravail, on n'y croit pas", rétorque pour sa part la FEB.
Ensuite, les syndicats insistent de concert sur la délimitation du temps de travail. "Quand on fait du télétravail, on a tendance à travailler plus et plus longtemps", observe Manon Van Thorre, de la CSC. "Il y a une barrière entre vie professionnelle et vie privée qui s'estompe fortement, donc il faut impérativement réguler cela", complète la FGTB. Les conditions de travail doivent être les mêmes à distance qu'au bureau, et une attention particulière doit être accordée à l'hyper-connexion et aux risques psychosociaux découlant du travail à domicile, martèle le banc syndical.
Quid des indemnités ?
Enfin, la question de l'indemnité des frais liés au télétravail risque de diviser les deux parties. "Avec le télétravail généralisé, on a vu que les employeurs ont quand même fait beaucoup d'économie, constate la CSC. Or, le télétravail, cela reste du travail, donc aucun frais ne doit peser sur les épaules du travailleur d'une manière ou d'une autre." Les syndicats plaident dès lors pour une indemnisation totale du matériel de bureau, des frais d'internet, de chauffage et d'électricité. "C'est une question d'autant plus prégnante avec la flambée des prix de l'énergie", insiste la FGTB.
Tous ces points de discorde risquent de rendre les négociations pour le moins ardues. Syndicats et patronat se disent toutefois prêts à avancer pour aboutir à un consensus dans les plus brefs délais. Quand peut-on s'attendre à une fumée blanche ? La FGTB dit espérer un accord avant la fin du mois de juin. "C'est faisable, mais tout dépendra de l'agenda des discussions. Et surtout de la bonne volonté du patronat."