Des tests anti-discrimination au logement : "Nous ferons appel à des acteurs"
La socialiste Nawal Ben Hamou plaide pour un encadrement du prix des loyers par les pouvoirs publics.
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- Publié le 03-06-2022 à 06h48
- Mis à jour le 03-06-2022 à 06h49
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Le projet d’ordonnance anti-discrimination de Nawal Ben Hamou, qui modifie le Code bruxellois du logement, sera voté ce vendredi au Parlement bruxellois.
Une étude de l’UGent et la VUB sur la discrimination au logement montre qu’il existe "une énorme discrimination sur le marché de la location privée" de la Région bruxelloise.
Certains nient son existence, mais elle existe. Ces études mettent en avant le fait que les personnes d’origine nord-africaine, qui ont un handicap mental ou des revenus d’allocations sociales sont celles qui risquent le plus de ne pas être invitées à visiter un bien. Une autre étude, publiée pendant le Covid, mentionne que les personnes d’origine nord-africaine sont les plus discriminées sur le marché du logement. On est passé de 20 % à 36 %.
Comment connaître les raisons réelles d’un refus ?
On n'entendra jamais : "C'est parce que vous êtes nord-africain." Je l'ai moi-même vécu avec mon compagnon, il y a des années. On voulait visiter un bien. J'ai appelé le propriétaire et je lui ai parlé en néerlandais pour savoir si le logement était toujours à louer. Il me dit : "Oui, pas de soucis." Nous étions dans le quartier et il m'a proposé de venir visiter le bien tout de suite. Il était devant la porte. Mon compagnon est sorti de la voiture, baraqué, basané. Le visage du propriétaire a changé. Il a bafouillé : "C'est loué, je me suis trompé." On s'est regardé à trois sans rien dire. Mon compagnon m'a dit : "On y va, c'est bon, tu as compris." Comment prouver cela ? Avec l'outil que nous mettons en place, j'aurais téléphoné à la DIRL (direction de l'inspection régionale du logement) et un test anti-discrimination aurait été mené.
Une législation anti-discrimination existe déjà. Que va changer votre réforme ?
Une ordonnance est en effet déjà entrée en vigueur en 2019. On l’a laissé vivre pendant un an. Et on a constaté qu’aucun test n’avait été mené. Cela ne fonctionnait pas. On a donc organisé un groupe de travail qui a émis certaines recommandations.
Qu’en est-il ressorti ?
Le système est trop complexe. Il faut fournir une plainte et la preuve qu’on est victime de discrimination. Il ne faudra désormais plus de plainte ni de preuve pour que des contrôles soient réalisés. On a aussi engagé trois équivalents temps plein et créé une cellule discrimination au logement. Enfin, le groupe de travail a souligné que nous n’avions pas dans l’administration les profils disponibles pour les tests. Nous n’avons pas forcément une femme enceinte, de couleur ou porteuse de handicap. Nous ferons donc appel à des acteurs ou à des associations d’insertion par le logement pour les réaliser. Ils recevront une formation chez Unia. Des tests seront ensuite réalisés de manière proactive. Bruxelles sera pionnière car la première Région à le faire. Il y aura aussi des contrôles aléatoires ou en cas de soupçons, réalisés par deux associations d’insertion, dès cette année.
Quels seront les publics ciblés ?
On étend les listes des critères protégés. Les mamans solos, par exemple seront dans la liste, mais aussi les personnes LGBTQ +, celles qui font une procréation médicalement assistée, les femmes allaitantes (NdlR : s’y trouvent également le patronyme et la capacité à s’exprimer dans une des langues nationales). Le but est de s’harmoniser avec la loi genre. Autre nouveauté : on protège le candidat locataire durant toute la durée du bail. On inclut aussi la notion d’aménagement raisonnable. Si une personne handicapée visite un logement, qu’elle demande d’installer une barre de douche, et que le propriétaire refuse, ce sera considéré comme une discrimination. On ne parle pas d’installer un monte-escalier, mais de quelque chose de faisable. On interdit aussi d’exiger des documents intrusifs avant même d’avoir visité un bien, comme une fiche de paie.
Quelle sera la conséquence pour un propriétaire ?
Une amende administrative de 125 à 6 200 euros peut être infligée, ce qui fait 1 000 à 50 000 euros en comptant les centimes additionnels. Ces montants sont doublés en cas de récidive dans les 5 ans. La victime peut aussi aller déposer plainte au civil ou au pénal pour demander des dommages et intérêts.