La réforme des allocations d’insertion a totalement raté ses objectifs
Priver les jeunes d’allocations n’augmente pas leurs chances de trouver un emploi, selon une étude universitaire.
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Publié le 16-06-2022 à 06h44 - Mis à jour le 16-06-2022 à 07h47
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Le durcissement des critères d'octroi des allocations d'insertion aux jeunes est-il passé à côté de ses objectifs ? Selon une étude publiée ce jeudi, la réponse à cette question est affirmative. Et il faudrait s'inspirer de cet échec pour évaluer la pertinence d'autres mesures en matière d'emploi.
En Belgique, pour rappel, les jeunes qui ne sont pas encore à l’emploi un an après l’obtention de leur diplôme ont droit, sous certaines conditions, à une allocation de chômage, appelée allocation d’insertion (anciennement allocation d’attente). En 2015, le gouvernement Michel a supprimé le droit à cette allocation pour les plus de 25 ans (la limite était de 30 ans auparavant) ainsi que pour les moins de 21 ans qui n’ont pas leur diplôme de secondaire. La coalition suédoise (N-VA, MR, CD&V, Open VLD), contextualisent les auteurs de l’étude Bart Cockx (UGent), Koen Declercq (Saint-Louis), Muriel Dejemeppe et Bruno Van der Linden (UCLouvain), supposait que ces mesures inciteraient les jeunes à chercher plus activement un emploi, mais aussi les encourageraient à décrocher un diplôme, ce qui augmenterait leurs chances de trouver un job.
Objectifs manqués
Pour vérifier si les objectifs de cette réforme ont été atteints, les chercheurs ont mesuré deux indicateurs : premièrement, la vitesse à laquelle les jeunes trouvent un emploi et la durabilité de cet emploi ; deuxièmement, la probabilité qu’ils obtiennent un diplôme ou abandonnent prématurément leurs études. Pour chaque indicateur, ils ont effectué une comparaison entre des jeunes qui ont été touchés par la réforme et d’autres qui, en raison de leur âge, y ont échappé.
Pour les jeunes sans diplôme de secondaire, la réforme passe complètement à côté de son objectif, conclut l’étude. La suppression du droit à l’allocation d’insertion n’a pas d’effet statistiquement significatif sur les chances de trouver un emploi, sur l’obtention d’un diplôme ou sur l’abandon scolaire.
Effet collatéral
Pour les jeunes titulaires d’un master universitaire (qui sont les plus nombreux parmi ceux qui s’inscrivent pour la première fois comme demandeurs d’emploi à 23 ou 24 ans), la réforme a également manqué son objectif, estiment les auteurs. Entre le troisième et le sixième mois suivant l’inscription en tant que demandeur d’emploi, la transition vers des emplois intérimaires de très courte durée a certes augmenté. Mais la réforme n’a pas favorisé la transition vers des emplois durables.
L'étude fait cependant apparaître un "avantage non intentionnel" de la réforme pour les jeunes de l'enseignement supérieur qui risquaient de perdre leurs allocations. Cette perspective les a incités à achever leurs études plus tôt et à ne pas les arrêter prématurément. Mais ces effets positifs ne concernent que le petit groupe qui risque de perdre le droit aux allocations d'insertion, à savoir les jeunes de 24 ans qui n'ont pas encore obtenu leur diplôme. Et les chercheurs de s'interroger : cet avantage justifie-t-il le coût imposé à tous les jeunes de 25 ans ou plus qui perdent le droit aux allocations d'insertion ? "La suppression de ce droit a plongé certains jeunes dans la pauvreté et a rendu impossible pour d'autres de vivre de manière autonome sans le soutien de leurs parents."
Des alternatives existent
Qu'est-ce qui explique ces résultats ? Les incitations financières à chercher du travail ne sont pas efficaces pour tout le monde et n'ont pas toujours de bons effets, avancent les chercheurs. "Après la fin de leurs études, une année s'écoule sans que les jeunes aient droit aux allocations d'insertion, ce qui incite beaucoup d'entre eux à chercher activement un emploi. Par conséquent, quand arrive le moment où certains jeunes perdent le droit à ces allocations, ceux pour qui ces incitations financières jouent un rôle ont souvent déjà trouvé un emploi. Au sein du groupe qui est encore au chômage à ce moment-là, les incitations financières ne sont guère efficaces. Ce sont des jeunes qui n'ont pas les compétences appropriées pour trouver de l'emploi, qui ont des difficultés à prendre en compte les conséquences futures de leurs décisions ou qui procrastinent."
Cette recherche montre que les incitations financières deviennent inefficaces à mesure que la durée de chômage s’allonge, concluent les auteurs, qui soulignent que des alternatives existent, comme la formation et l’accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi.
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