Des résidents de maisons de repos ont enfin pu rechanter la vie en rose
Retrouvailles à La Monnaie pour les ateliers de chant après deux ans de pause Covid.
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Publié le 01-07-2022 à 10h25
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C'est l'effervescence au sixième étage des Ateliers du théâtre de la Monnaie, dans la rue qui court à l'arrière de la vénérable institution. Il règne un charivari inhabituel dans la salle Fiocco qui sert d'ordinaire pour les répétitions de l'orchestre. On retire çà et là deux chaises en plastique pour glisser des voiturettes. Des jeunes enfants se chamaillent pour rire. Deux octogénaires testent leur voix. Chacun cherche sa place dans les travées qui encadrent le piano à queue dans un joyeux désordre. "L'installation est un peu acrobatique", s'amuse Mirjam Zomersztajn, responsable du programme social de La Monnaie baptisé "Un pont entre deux mondes", qui connaissait, lundi et jeudi, son point d'orgue : les représentations des ateliers de chant organisés tout au long de l'année dans des maisons de repos.
"Un pont entre deux mondes"
"Est-ce qu'on peut commencer ?" lance, au micro, Vik Leyten, directeur de communication, marketing et dramaturgie de La Monnaie, qui animait le premier après-midi, lundi. Applaudissements enthousiastes de l'assemblée - 350 personnes sont désormais assises, participants, familles, proches…
Le programme "Un pont entre deux mondes", mis en place en 1999 par La Monnaie, s’adresse à tous ceux que la vie a fragilisés socialement, économiquement ou médicalement. L’objectif est d’organiser des rencontres, de (re)créer des liens et de (re)donner la possibilité aux personnes analphabètes, réfugiées, très âgées, porteuses de handicap, détenues… de se réapproprier la culture. Au cours de l’année, 20 ateliers hebdomadaires ont ainsi été organisés, dans 11 résidences pour aînés, 3 centres communautaires et 3 prisons. Trois autres groupes, avec des personnes issues de centres de jour, de maisons psychiatriques, etc., se retrouvaient aussi une fois par semaine au Studio 5 des Ateliers de La Monnaie.
Des chefs de chœur professionnels
Treize chefs de chœur de La Monnaie, tous professionnels, sont impliqués dans le projet avec le souci de garder le même niveau d’excellence exigé dans les institutions culturelles, en s’adaptant aux contextes socio-culturels des groupes visés.
Après un premier chant commun, trois maisons de repos bruxelloises se lancent dans quatre chansons dont "Le temps du muguet " et " La vie en rose ", repris en chœur par la salle.
Le centre communautaire Saint-Vaast (La Louvière) enchaîne avec "Mistral gagnant" suivi de "Le bien de tout ça… je ne sais pas ", coécrit par Colette, Lucien, Marie-Rose, Monique et les autres pendant la période Covid qui empêchait de chanter ensemble - par Zoom, c'est impossible. Alors, Colienne, leur chef de chœur, a eu l'idée de demander à chacun de coucher sur papier une phrase sur ce qu'ils vivaient au temps du confinement. Elle les a rassemblées et mises en musique.
Ces moments si particuliers et parfois difficiles affleurent dans les paroles. "Alors, pour se parler, y'a les écrans. Pour rire et pour chanter, c'est pas comme avant. Alors, pour se toucher, c'est pas marrant…"
Un petit bal musette au ciel…
Beaucoup de résidents sont aussi décédés pendant le Covid. "Ils organisent peut-être un petit bal musette au ciel", lance une voix dans la salle.
Jeannot, résidente des Églantines, à Bruxelles, "parmi les anciennes", précise-t-elle, se réjouit des retrouvailles en présentiel. La vieille dame a préparé un petit discours pour l'occasion. "Ça fait un bail qu'on n'a plus eu une réunion à La Monnaie. Ouste, le Covid ! C'est reparti..." Elle termine, en faisant s'esclaffer le public : "Avanti et à l'année prochaine… Peut-être."