Pourquoi Fedasil n’a pas payé d’astreintes, malgré les nombreuses condamnations pour défaut d’accueil de migrants
La migration est en forte hausse en Belgique et en Europe. Malgré les condamnations, Fedasil n'a pas versé d'astreintes. Paradoxe ?
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- Publié le 02-08-2022 à 22h09
- Mis à jour le 02-08-2022 à 00h28
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Cela fait maintenant deux ans que l'agence Fedasil accumule les condamnations pour défaut d'accueil. Depuis le début de l'année 2022, plus de 1200 condamnations ont été prononcées pour manquement à l'obligation de fournir une place dans le réseau aux demandeurs de protections internationales en Belgique. Malgré ça, la crise continue, les files s'allongent devant le centre d'enregistrement et le renvoi vers la rue des hommes isolés est quotidien. Pourtant, l'agence n'a toujours payé aucune astreinte, malgré les infractions constatées. Comment expliquer ce paradoxe ?
Une première condamnation, en vain
Quand on évoque les procédures en justice à l’encontre de l’agence, il y a en fait deux types de requêtes distinctes. D’un côté, il y a les procédures globales lancées par des associations, comme Avocats.be ou le Ciré. De l’autre, les procédures individuelles, lancées par les demandeurs de protection internationale eux-mêmes, accompagnés d’un avocat.
Ces derniers mois, deux procédures globales ont été lancées par les associations. Le but de ces procédures est, justement, d’éviter la multiplication des affaires individuelles qui engorgent les tribunaux. Cela permet aussi de frapper un grand coup médiatiquement.
Au début de l’année, Fedasil et l’Office des étrangers avaient fait l’objet d’une première condamnation les obligeant à respecter le droit à l’accueil. Fedasil avait accepté la condamnation sans faire appel. Mais cela n’avait rien changé sur le terrain.
Doubler l’astreinte
Face au statu quo, les associations avaient décidé de lancer une deuxième procédure. Cette fois, elles souhaitaient augmenter le montant des astreintes et ainsi accentuer la pression. La justice leur a donné en partie raison en augmentant le montant à 10 000 euros par jour d'infraction constatée (contre 5 000 jusqu'alors).
" Le mécanisme de l'astreinte contribue à concrétiser le droit à une exécution effective des décisions de justice, lequel constitue l'un des éléments fondamentaux d'un État de droit", précise le document. En clair, il ne s'agit pas vraiment d'aller chercher de l'argent en réparation du dommage, mais plutôt de mettre la pression en menaçant le portefeuille.
Mais Fedasil a cette fois contesté la décision et a décidé de porter l’affaire en appel.
L'agence estime faire le maximum compte tenu de ses moyens, et précise travailler à l'augmentation de la capacité, la réduction des arrivées et l'accélération des sorties des structures d'accueil. Le message est identique du côté politique. "Les gens ne paient pas des impôts pour les voir disparaître sous forme d'astreintes", avait déclaré la secrétaire d'État à l'Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V) lors de sa première intervention à la Chambre. Pas question pour elle de verser le moindre euro d'astreinte.
Désormais, le dossier est devant le juge des saisies qui doit déterminer si, oui ou non, il y a lieu de précéder à des saisies chez Fedasil.
Peu de suivi, faute de temps
Dans le cas des procédures individuelles, la raison est beaucoup plus pragmatique.
Jusqu’il y a peu, Fedasil parvenait à offrir une place aux demandeurs d’asile qui se présentaient avec l’ordonnance de justice en main. Ils devenaient en quelque sorte une catégorie prioritaire. Malgré les questions que soulève ce procédé, le résultat était là : l’agence parvenait à trouver une place.
Depuis peu, par contre, on dénombre certains cas de personnes qui, malgré la procédure judiciaire, n’ont pas accès au réseau d’accueil dans les temps. Cela signifierait, logiquement, que Fedasil s’acquitte d’astreinte.
Sauf qu’il faut pour cela dépêcher un huissier de justice qui fasse constater le manquement. Une étape, parmi d’autres, chronophage qui coûte de l’argent. Or, sur le terrain, les avocats engagés dans les procédures individuelles n’ont pas vraiment le temps d’assurer ce suivi.
Entre-temps, les demandeurs d'asile obtiennent une place et eux-mêmes ne cherchent pas à percevoir ces astreintes. " Le but n'est pas d'obtenir de l'argent mais bien de faire respecter le droit et, pour les demandeurs de protection internationale, d'avoir une place dans le réseau d'accueil , confie l'un des avocats. Ça n'amuse personne de courir après les astreintes."