Pourquoi la Belgique fait face à davantage de demandes d'asile que les autres pays européens
Le nombre de demandes d’asile est en croissance continue depuis plusieurs mois. La migration secondaire est en recrudescence.
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- Publié le 02-08-2022 à 21h21
- Mis à jour le 02-08-2022 à 00h28
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L’année 2021 avait marqué un retour à la normale des demandes d’asile en Belgique. Après le calme plat voulu par la crise sanitaire et les restrictions qui pesaient sur les voyages et les frontières, l’année dernière avait vu le retour des taux similaires à l’année 2019. Et depuis, les chiffres ne font qu’augmenter.
À la fin du mois de juin (les derniers chiffres publiés), la Belgique avait enregistré, depuis le début de l’année 2022, 16 051 demandes de protection internationale. En juin 2019 (avant la crise Covid donc), on en comptait 13 064. Et 9 794 en 2021. La hausse est manifeste.
"On constate certainement une augmentation des demandes de protection internationale ces derniers mois. Mais je remarque surtout que le niveau des demandes est élevé en Belgique par rapport à d'autres pays européens, surtout en tenant compte de la population. Cette augmentation se constate aussi en France, aux Pays-Bas, en Allemagne et, surtout, ces derniers mois, en Autriche", observe Dirk Van den Bulck, commissaire général aux réfugiés et aux apatrides.
Un candidat sur deux est dit "dubliné"
Outre cette augmentation générale, un nouveau phénomène gagne en intensité : la migration secondaire. Cela désigne les flux migratoires à l’intérieur de l’Union européenne. Depuis le début de l’année, environ un demandeur d’asile sur deux qui arrive en Belgique est déjà enregistré avec ses empreintes dans un autre pays de l’Union.
Ainsi, on comptait en juin 1 309 demandeurs d'asile qui étaient enregistrés dans un autre pays, et 1 307 en juillet. Depuis le début de l'année, le total des candidats dits "hits Eurodac" (ou "dublinés") s'élève à 7 779. "Si on extrapole pour l'ensemble de l'année 2022, cela pourrait grimper à 13 000", projette-t-on au cabinet de la secrétaire d'État Nicole de Moor (CD&V). En 2021 et 2019, ils étaient un peu moins de 11 000 (soit environ un tiers des demandes). Les années précédentes, ce nombre oscillait entre 8 000 et 8 500.
"Selon le règlement Dublin, c'est le pays où le candidat a déposé ses empreintes qui est responsable de son accueil", rappelle le commissaire général, précisant par là que, normalement, ce n'est pas à la Belgique de lui fournir une place dans son réseau, déjà sous tension.
Il note aussi une augmentation des personnes qui ont obtenu un statut ailleurs en Europe. "On a même beaucoup de signalements de personnes qui ont déjà obtenu un statut dans un autre État membre, avec parfois une décision de refus." Depuis le début de l'année, ils sont 859 à malgré tout tenter leur chance en Belgique, bien qu'ils aient une procédure en cours dans un autre État membre.

Conséquences du Covid
Le Covid est également venu poser son grain de sable. Avec les restrictions sanitaires qui pesaient sur les voyages, les transferts entre pays européens prévus par le règlement Dublin n'ont pas pu avoir lieu. En cause : le test Covid nécessaire au passage des frontières, que certains refusaient pour éviter de quitter le pays. "Ce genre de situation a fait circuler l'idée que les accords de Dublin ne marchaient plus", explique le commissaire. "Toutes ces personnes s'ajoutent aux demandeurs d'asile originaires de Syrie ou d'Afghanistan, par exemple, qui ont un besoin manifeste de protection", ajoute M. Van den Bulck.
La Belgique plus populaire que la Scandinavie
Dès lors, comment expliquer ce succès de la Belgique parmi l'ensemble des pays de l'Union ? Plusieurs facteurs entrent en compte, précise M. Van den Bulck. "Globalement, on assiste en Europe à un changement dans les pays de destination. Ainsi, en 2015-2016, le nombre de demandes d'asile introduites dans les pays scandinaves était très élevé. Ce n'est plus le cas aujourd'hui où, depuis quelques années, le nombre est bien plus bas." Pourquoi ? "Difficile à dire", concède le commissaire général. Même si, dans le cas du Danemark, la rhétorique anti-migrants adoptée par le gouvernement ne saurait y être étrangère.
Pas question toutefois de parler de crise de l'asile, comme cela avait été le cas en 2016 avec l'afflux des réfugiés syriens. La dynamique est ici différente. "En 2015-2016, on avait connu un pic d'arrivées en l'espace de quelques mois. Rapidement, le nombre de demandes avait diminué fortement et ce dans tous les pays d'Europe. Or aujourd'hui, l'augmentation est continue depuis plus d'un an et demi. Il faut donc prendre davantage de mesures que durant la période 2015-2016. La situation actuelle montre aussi qu'il est nécessaire de travailler sur la prévention", conclut le commissaire général.
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Un centre spécial à Zaventem
Un centre ouvert spécifique aux demandeurs d’asile qui sont enregistrés dans un autre pays européen devrait voir le jour d’ici la fin du mois d’août. C’est ce qu’avait annoncé la secrétaire d’État à l’Asile et à la Migration Nicole de Moor (CD&V), faisant suite à un accord de gouvernement sur les mesures à apporter pour soulager le réseau d’accueil. Ce centre devra faciliter et accélérer les procédures de retour vers le premier pays d’enregistrement, et ainsi libérer des places dans les centres d’accueil. Il devrait avoir une capacité de 250 places. Ce centre "Dublin" sera une première en Belgique.