Pas facile d’accéder aux soins de santé quand on a une déficience intellectuelle
Pour les patients de ce type, il faudrait prévoir des consultations et des visites de plus longue durée, recommande le Centre fédéral d’expertise des soins de santé. Entre autres pistes d’action.
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Publié le 22-12-2022 à 06h29
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À 79 ans, Guillaume (prénom d’emprunt) a gardé l’esprit et les capacités intellectuelles d’un enfant de 6 ans. Infirme moteur cérébral, il vient de se faire opérer d’une double cataracte. Cette correction de la baisse d’acuité visuelle liée à l’âge est l’intervention la plus pratiquée en Belgique. Elle dure entre 15 et 30 minutes et se fait en ambulatoire, avec entrée et sortie le même jour de l’hôpital. L’anesthésie se fait le plus souvent par instillation de collyres ou de gel. Mais pour Guillaume, cela n’a pas été possible. “Il a fallu faire une anesthésie générale. Il était trop nerveux. Il paniquait”, explique son frère. À deux reprises, à un mois d’intervalle, le presque octogénaire a donc été hospitalisé pendant deux jours. Sans peur et sans douleur. “Les infirmières étaient vraiment très gentilles avec lui. Mais c’est vrai que c’est un patient parfait : il ne se plaint jamais”, raconte son frère, qui vit avec lui. “Au début du Mondial, il se mettait de travers dans son fauteuil devant la télé pour regarder les matchs avec son bon œil. C’est comme ça que j’ai compris que la première intervention avait réussi”, poursuit-il. Guillaume, lui, n’est pas capable d’exprimer par des mots qu’il voit de nouveau bien.
Besoin de temps pour comprendre
Par sa longévité, Guillaume est une exception. En Belgique, comme ailleurs dans le monde, les personnes en situation de handicap intellectuel meurent plus tôt. Une étude anglaise montre que seules 38 % d’entre elles dépassent l’âge de 65 ans, contre 85 % dans la population générale. Cet état de fait n’est pas seulement attribuable à une maladie ou à un handicap sous-jacent, mais aussi à une inégalité d’accès aux soins, pointe le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE). Sur une suggestion de l’association Special Olympics Belgique, le KCE a enquêté sur le terrain pour identifier les obstacles qui freinent l’accès de ces personnes aux soins de santé courants. Les résultats sont publiés ce jeudi.
L’étude débouche sur plusieurs objectifs concrets pour améliorer la situation, déclinés en 25 pistes d’action. Ce qui en ressort ? Il faut accorder davantage de temps aux soignants lorsqu’ils prennent en charge ce type de patients. Ces personnes ont besoin de temps pour comprendre, apprendre ou s’adapter. Face à des médecins et des infirmiers trop pressés, la relation thérapeutique est d’emblée mise en difficulté, souligne l’étude du KCE. Pour faciliter la disponibilité des professionnels de santé pendant les consultations et les visites, il faudrait prévoir des prestations de plus longue durée, recommande notamment le Centre fédéral d’expertise.
Du “win-win”
Les chercheurs soulignent aussi le rôle central de l’entourage de ces patients particuliers : si les proches ne peuvent pas se libérer pour préparer la personne à une visite médicale, la rassurer, lui expliquer à l’avance ce qui va se passer, cela renforce la difficulté d’accès aux soins.
Autre constat essentiel : la plupart des obstacles recensés au cours de l’étude se dressent aussi devant de nombreuses autres personnes dont les capacités personnelles (intellectuelles mais aussi physiques, culturelles, cognitives…) ne permettent pas d’accéder pleinement aux services existants. Une grande partie des solutions proposées pourrait donc être bénéfique pour une part bien plus large de la population. D’où la mise en avant des concepts d'”aménagements raisonnables” et de “conception universelle”, qui visent, finalement à modifier l’espace public et les règles pour les rendre adaptés aux besoins de tous, avec ou sans handicap intellectuel ou moteur, avec ou sans landau, avec ou sans chaise roulante ou tribune… Bref, des solutions “win-win” pour l’ensemble de la société.