Manifestation des pompiers à Bruxelles : "Les vraies raisons de notre colère ne sont pas rendues assez visibles"
Près de 200 pompiers ont manifesté, vendredi, à Bruxelles, répondant à l’appel du syndicat SLFP. Un rassemblement plus faible que prévu, alors que les revendications des pompiers sont nombreuses. “Les vraies raisons de notre colère ne sont pas assez visibilisées”, dénoncent deux pompiers rencontrés.
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Publié le 30-01-2023 à 10h35 - Mis à jour le 30-01-2023 à 10h38
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Vendredi 27 janvier, des centaines de pompiers se rassemblent à Arts-Loi, à Bruxelles. Ils ont répondu à l’appel du SLFP (syndicat libéral) pour dénoncer leurs conditions de travail et celles d’accès à la pension dans leur profession. Les manifestants ont également appelé les autorités à “prendre leurs responsabilités” face à la hausse des agressions et au manque de personnel alors que le nombre d’interventions augmente.
En marge des célébrations du Nouvel An, à Bruxelles, des pompiers ont fait l’objet d’agressions verbales de la part d’une personne armée d’un couteau. Une situation fortement dénoncée à l’époque par Eric Labourdette, du SLFP Pompiers, d’autant que ce n’est pas la première fois que les hommes du feu sont victimes d’actes de violence. Le syndicat réclame d’ailleurs la “tolérance zéro” à l’égard des auteurs. Une situation préoccupante pour les pompiers, pourtant peu nombreux lors de ce rassemblement. D’ailleurs, seul le SLFP était à la base du rassemblement. “Les vraies raisons de notre colère ne sont pas rendues assez visibles. Nos vraies revendications ont été mises de côté. Elles ont été éclipsées par des faits sécuritaires qui attirent davantage mais qui, dans les faits, sont minimes par rapport à nos autres demandes”, expliquent deux pompiers professionnels, actifs depuis de nombreuses années, mais qui préfèrent s’exprimer anonymement par peur de représailles.
”Les policiers sont les vraies victimes de violences”
Pourtant, les chiffres parlent d’eux-mêmes : 37 agressions visant des agents du Siamu (pompiers, secouristes, ambulanciers) ont été constatées en 2018 ; 59 agressions en 2019 ; 86 agressions en 2020 et 139 en 2021. Ces données, issues du cahier de revendications du SLFP, démontre donc l’ampleur du phénomène à Bruxelles.
”S’il n’y a pas eu de front commun, ça n’est pas par hasard. Cette violence dénoncée, elle est gravissime, elle est condamnable, mais elle n’est pas notre revendication première. Si on doit comparer notre situation à celle des policiers, je dirais que nous n’allons pas si mal. Les policiers, eux, trinquent tous les jours. Ils sont les vraies victimes de violences”, nuancent les deux hommes.
Selon eux, les chiffres concernant les agressions ne traduisent pas la réalité de terrain. “Nous subissons régulièrement des agressions de la part de personnes que nous venons sauver ou soigner et parfois, ce sont des personnes atteintes de troubles mentaux qui nous attaquent. Ce n’est pas moins grave ou moins risqué, mais cela rappelle qu’il faut donc faire la distinction entre une agression gratuite, peu fréquente, et ces faits, plus courants et qui font malheureusement partie de notre quotidien.”
”Négliger la pénibilité de notre boulot, c’est nous faire violence”
Les deux pompiers estiment que la médiatisation des actes de violence n’a fait qu’évincer les revendications syndicales de base des hommes du feu, ce qu’ils déplorent.
Et de citer les “véritables problèmes” : manque d’effectif, conditions de départ à la pension (à 67 ans en 2030, eux veulent que cela soit à 60 ans), aménagement de fin de carrière pour les personnes qui ne savent plus faire des missions de terrain. “Notre travail est usant au quotidien et la véritable violence, c’est de ne permettre ni des conditions de travail décentes, ni un départ de la fonction de manière décente. À titre indicatif, chaque année de travail d’un pompier valait, au calcul de la pension, l’équivalent d’1,2 an. Mais depuis que l’ancien ministre des Pensions, Daniel Bacquelaine (MR) a fourré son nez là-dedans, on est passé de 1,2 à 1,05. Nous voulons bien entendre le discours selon lequel il est possible de travailler plus longtemps, mais pas pour des pompiers. Faire ça, c’est négliger la pénibilité de notre boulot. C’est nous faire violence”, poursuivent les deux hommes.
Ils déplorent également le fait de travailler en sous-nombre, alors que les missions, elles, sont de plus en plus nombreuses. “Entre 2021 et 2022, il y a eu plus de 10 000 interventions supplémentaires. Mais les effectifs, eux, stagnent. Alors, oui, certains départs à la retraite sont remplacés, mais ce qu’il faut, ce sont des effectifs supplémentaires”. Et de conclure : “L’équation est simple : la charge de travail augmente alors que nous sommes moins nombreux et que nous travaillons dans des conditions difficiles. La population doit comprendre que dans de telles conditions, nous ne pourrons plus remplir correctement nos missions.”
Contacté, Eric Labourdette n’était pas disponible pour un entretien.
Une nouvelle manifestation, organisée cette fois en front commun syndical, est prévue le 7 mars.