"Je faisais le trajet vers Rotterdam presque tous les jours pour chercher de la cocaïne, comme si j’allais à l’usine”
Les consommateurs accros à la cocaïne entrent forcément en contact avec le milieu criminel. Difficile de ne pas tomber aussi dans le trafic, expliquent des usagers.
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Publié le 02-02-2023 à 06h40 - Mis à jour le 02-02-2023 à 12h54
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Ils ne le cachent pas : tous les usagers de cocaïne que nous avons rencontrés à l’ASBL Dune ont dealé, “parce qu’il n’y a pas 36 000 solutions” pour se payer le produit. “J’ai fait du deal pour ma consommation et aussi pour partir en vacances, reconnaît Jo. La police n’a jamais rien trouvé, mais ils m’ont collée pour vol à l’étalage.” Elle a fait trois mois de prison.
Quand on fume du crack tous les jours, on entre forcément en contact avec le milieu criminel. Mohamed a fait la connaissance de gros dealers. Il a commencé à livrer lui-même des clients. Il recevait un pourcentage – en poudre et en euros. Parfait pour ses doses quotidiennes. La boucle était bouclée.
C’est à la prison de Saint-Hubert, condamné pour cambriolage, que Stéphane a pris pour la première fois de la drogue dure. “On dépense beaucoup d’argent pour la coke. Il n’y a pas de limite, dit-il. Je faisais des ‘Go fast’ (des trajets en voiture super puissante, NdlR) entre Bruxelles et Rotterdam. Mon record, c’est 55 minutes !”
“L'argent vient très vite. C'est un truc de fou"
À l’époque, Pierre, ex-toxicomane, était aussi adepte des "Go fast" vers la Hollande pour s’approvisionner. “Je faisais le trajet presque tous les jours, comme si j’allais à l’usine.” La nuit, de grosses BMW noires jouent les rabatteurs sur les autoroutes ; les échanges se font dans les voitures ou dans certains quartiers de Rotterdam – les adresses sont connues. En journée, aux heures de pointe, on peut passer quasi-incognito… “Tu vas là-bas, ils voient une plaque belge, ils ont compris. Des mecs viennent te chercher. C’est très facile”, décrit Stéphane.
Freddy également était consommateur et dealer, “parce que j’avais besoin de payer”. Avec le trafic, l’argent vient très vite ; il repart encore plus rapidement. “C’est un truc de fou. Je ne saurais pas dire les sommes que j’ai vu passer. Je ne réalisais pas.” Des centaines de milliers d’euros, peut-être même des millions. Impossible à estimer, dit-il. Avant de se livrer à la justice, pour sauver sa peau (lire par ailleurs), il a déposé l’argent liquide qu’il possédait au CPAS, qui a réglé ses multiples dettes (dont un an de loyers impayés). “Il y en avait pour 140 000 euros. Et il me restait de l’argent.”
Aujourd’hui, Freddy a arrêté le trafic. “Je ne deale plus. Je ne veux plus le faire”, dit-il.