Il n’y a pas de programme magique pour lutter contre le harcèlement scolaire
Le Girsef a comparé l’efficacité de 5 programmes de prévention. Les conclusions sont plus que nuancées : aucun projet n’apparaît supérieur à tous les autres. Dans certains cas, les effets sont modestes, voire inexistants.
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Publié le 08-02-2023 à 18h06 - Mis à jour le 08-02-2023 à 18h07
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Ils sont seuls à la récré, au fond de la classe, à la cantine… On rigole d’eux. Ils se prennent des remarques. “Il ne comprend jamais rien” ou “Regarde, elle va encore se mettre à pleurer”. Quand ce ne sont pas des coups ou des expéditions punitives, dans les toilettes ou l’angle mort de la cour, dès que l’éducateur a le dos tourné. Le harcèlement scolaire touche en particulier les élèves de primaire (dès la 1ère) jusqu’aux préados de troisième secondaire. Si le harcèlement démarre “en vrai” entre les murs de l’école, les quolibets, les moqueries et le dénigrement se poursuivent après les cours, via les réseaux sociaux. Pour les enfants qui le subissent, c’est l’enfer. Des initiatives existent dans de nombreux établissements (Bulle d’air, No Blame, Ecout’Emoi, le Banc des amis…) mais ce n’est pas le cas – loin de là – dans les 2 500 écoles de l’enseignement obligatoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Cela devrait, progressivement, changer. Un projet de décret de la ministre Caroline Désir (PS) relatif au climat scolaire, adopté mi-novembre 2022, veut généraliser la prévention du (cyber) harcèlement scolaire, via un programme-cadre de référence commun qui doit permettre aux écoles de mettre en place des actions coordonnées, stables et structurelles. Dès la prochaine rentrée (2023-2024), 200 premières écoles auront accès à ce plan d’action.
Vers quels outils se tourner ?
Le décret prévoit aussi que toutes les écoles puissent accéder à des programmes de prévention du harcèlement validés sur le plan international. Les licences seront gratuitement mises à disposition des établissements qui souhaitent se lancer.
Mais vers quels outils se tourner ? Qu’est-ce qui marche pour faire reculer le harcèlement scolaire ? Le Groupe interdisciplinaire de recherche sur la socialisation, l’éducation et la formation (Girsef) de l’UCLouvain vient de publier une note qui passe au crible 5 programmes existants de prévention du harcèlement qui ont déjà fait l’objet d’une évaluation à large échelle (Friendly School, KiVa, Second Step, ViSC et Zero). Les chercheurs du Girsef ont passé en revue l’ensemble des publications relatives à chacun d’entre eux. Résultat ? Les conclusions sont, à tout le moins, nuancées : certains programmes amènent à une diminution du harcèlement et de la victimisation à l’école… mais d’autres pas.
Plus ou moins convaincants
Les deux dispositifs pour lesquels on dispose des indices d’efficacité les plus convaincants (KiVa, pour le primaire, et ViSC, pour le début du secondaire) sont ceux qui se focalisent le plus spécifiquement et le plus explicitement sur la dynamique du harcèlement entre élèves, relève le Girsef (lire ci-dessous). En revanche, les programmes avec des objectifs plus généraux (améliorer le climat de l’école, travailler avec les familles, etc.) obtiennent les résultats les moins convaincants (Friendly School et Second Step). Quant à Zero, qui part du principe que l’amélioration de l’encadrement de la classe est un élément central pour réduire l’agression proactive, les études existantes ne permettent pas d’affirmer qu’il est efficace.
Cela étant dit, aucun module n’apparaît supérieur à tous les autres, relève la note. “Il ne semble, par conséquent, pas judicieux de vouloir imposer un même programme à toutes les écoles”. Il est préférable de mettre à disposition des acteurs éducatifs plusieurs projets validés de lutte contre le harcèlement, estiment les chercheurs du Girsef. En leur laissant le choix du dispositif en fonction du contexte et des ressources locales de chaque établissement.
Treize écoles primaires ont adopté la méthode KiVa
L’Université de paix. Le 22 février 2022, à l’occasion de la semaine contre le harcèlement, la reine Mathilde s’était rendue à l’école fondamentale communale de Bouge, en province de Namur, une des écoles pilotes du programme KiVa. Au total, en Belgique francophone, les enseignants et les élèves de 13 écoles primaires sont formés à cette méthode de gestion des conflits et de prévention du harcèlement par l’Université de Paix.
Le rôle des témoins. Le programme KiVa (pour Kiusaamista Vastaan qui signifie “Contre le harcèlement”), a été développé par l’Université de Turku, en Finlande. Le dispositif KiVa part du principe que le harcèlement est un phénomène de groupe dans lequel les témoins jouent un rôle. Ils peuvent renforcer le harcèlement en se rendant complices de l’élève qui harcèle, défendre l’enfant harcelé ou rester en dehors de la situation. Si les faits de harcèlement sont récompensés par des rires ou un regain de popularité des témoins, les comportements risquent de se répéter. À l’inverse, s’ils n’entraînent pas de réaction, cela diminue la motivation des auteurs à poursuivre. KiVa vise à développer l’empathie des témoins et la mise en place d’attitudes anti-harcèlement. Il n’y a pas juste un “méchant” auteur contre une “pauvre” victime, mais un système sur lequel on peut agir.