Seuls 20 % des gynécologues francophones adhèrent à l’idée d’autoriser l’avortement au-delà de 18 semaines de grossesse
L’extension de la loi sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) va revenir à la Chambre dans les prochaines semaines. Un dossier éthique délicat. Pour quatre gynécologues sur cinq, la limite de 18 semaines doit être un maximum.
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- Publié le 22-03-2023 à 14h09
- Mis à jour le 22-03-2023 à 14h12
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Y avait-il un consensus des experts qui se sont penchés sur l’extension de l’avortement au-delà du délai légal actuel de 12 semaines de grossesse (ou 14 semaines d’aménorrhée (SA), soit d’absence de règles*) sur le rapport qu’ils viennent d’adresser au monde politique ?
Oui, pour 24 des 25 recommandations. Mais pour la dixième, la plus délicate, puisqu’il s’agit de déterminer jusqu’à quel stade d’une grossesse non désirée les femmes concernées pourront volontairement l’interrompre, il n’y a pas de position unanime, corrige le professeur Pierre Bernard, gynécologue obstétricien spécialisé en médecine fœtale aux Cliniques universitaires Saint-Luc, à Bruxelles. C’est à ce titre qu’il était membre du groupe de travail 3 dédié à cette question.
Le rapport conclut en effet à “une recommandation consensuelle du Comité scientifique (et du groupe de travail 3) de prolonger la limite gestationnelle maximale actuelle de l’avortement à la demande de la femme au minimum jusqu’à 18 semaines post-conception (20 SA)”.
“Pas de consensus unanime”
Le texte détaille qu’au sein du groupe de travail, une extension à 22 semaines post-conception (24 SA) est “largement soutenue”, tandis qu’une extension à 20 semaines (22 SA) est “également jugée adéquate”, ajoutant qu’un membre estimait que la limite de 18 semaines post-conception (20 SA) était “adéquate et ne devait pas être dépassée”.

”Il y avait un consensus sur le fait qu’il faille prolonger le délai de l’interruption volontaire de grossesse pour répondre à la demande bien légitime des femmes d’autonomie de leur corps et de participation active à leur propre santé. En revanche, sur la délimitation précise du délai, on ne peut pas parler d’un consensus unanime. Effectivement, quand on quitte le domaine de l’expertise pour passer dans celui de l’interprétation et de l’opinion, un groupe de 7-8 experts dont il faut saluer le travail n’est pas représentatif de l’opinion générale de la société”, juge le médecin.
Une autre casquette
Pierre Bernard est aussi président du Collège royal des gynécologues obstétriciens de langue française de Belgique, qui rassemble quelque 550 membres sur les 1 566 praticiens de cette spécialité enregistrés sur l’ensemble du pays (selon les chiffres de l’Inami au 31 décembre 2021). “Quand je mets ma casquette de représentant des gynécos, et plus d’expert, j’ai une force de représentativité plus importante quand il s’agit d’exprimer un avis”, estime le médecin.
Pour le forger, il a fait un sondage auprès de ses membres, auquel 300 gynécologues (soit plus de la moitié) ont répondu, dont deux tiers de femmes.
Qu’en ressort-il ? Un : 41 % des gynécologues francophones n’adhèrent pas à une extension de la loi actuelle. Ils sont donc favorables au statu quo législatif. En d’autres termes : ils ne souhaitent pas que l’IVG soit autorisée au-delà de 12 semaines de grossesse. Deux : 39 % considèrent que des IVG peuvent être pratiquées jusqu’à 18 semaines de grossesse (20 SA). Trois : 20 % sont d’accord avec le principe d’aller au-delà de 18 semaines.
Conclusion du professeur Bernard : “Il est évident qu’il n’y a pas que les gynécologues qui doivent donner leur avis en matière d’avortement. Mais si on considère ce groupe, seuls 20 % des gynécologues francophones adhèrent à une extension de l’IVG au-delà de 18 semaines de grossesse”.
* S’il est logique de parler d’âge de gestation et de compter les semaines de grossesse à partir de la conception, dans la pratique, les médecins s’expriment en semaines d’aménorrhée ou SA.