Natacha de Crombrugghe réellement morte par accident au Pérou ? Des zones d'ombre demeurent
La jeune femme de Linkebeek est-elle vraiment décédée par accident dans le canyon de Colca ? Huit mois après la découverte du corps, les parents n’ont toujours pas de certitude absolue. “Au Pérou, Natacha ne doit plus être une priorité.”
- Publié le 02-06-2023 à 08h03
- Mis à jour le 02-06-2023 à 10h05
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Natacha de Crombrugghe, cette Belge de 28 ans retrouvée morte au Pérou, a-t-elle réellement été victime d’une chute accidentelle lors d’un trek ? Huit mois après la découverte de son corps, il reste des zones d’incertitude. Tout simplement parce que les parents, Eric et Sabine, qui avaient remué ciel et terre pour faire avancer l’enquête (au prix de trois séjours sur place), attendent toujours les conclusions de celle-ci et des dernières expertises. On les annonçait pour mars 2023. Puis pour avril. Et finalement, toujours rien à ce stade.

Sabine le vit mieux qu’Eric. “Pour moi, à 99 %, c’est un accident. Et c’est la thèse qui me réconforte le plus. Elle est partie heureuse de descendre dans ce magnifique canyon et de vivre son rêve. Elle s’est à peine rendu compte de ce qui lui arrivait. Et surtout elle n’a pas été agressée, séquestrée, violée et assassinée. En fait, il y a plus de 1 000 femmes déclarées disparues chaque mois au Pérou. Il y a beaucoup de violence faite aux femmes et surtout de traite des femmes. Mais ici, nous ne pouvons incriminer personne, c’est un accident qui peut arriver n’importe où et à n’importe qui.”
Apaisé, Eric ne l’est pas encore. Il a besoin de formel. “La thèse de l’accident est la moins pénible. J’y crois à 95 %, elle a dû glisser et tomber dans la rivière. Ou peut-être a-t-elle été touchée par des cailloux. Car nous savons que, vers 11h, il y a eu un tremblement de terre de magnitude 4.5. Mais j’ai besoin que les enquêteurs aillent au bout et de lire noir sur blanc les conclusions. Il reste beaucoup de zones d’ombre. Notamment sur ce qui s’est passé à l’hôtel où elle avait posé ses affaires. Ou encore sur ce qu’elle a fait, qui elle a rencontré, entre le soir et le matin alors que son départ pour le trek était prévu pour 5 heures. Dans ma tête, il reste tout de même une petite possibilité qu’elle ait rencontré quelqu’un avant son départ, qu’ils aient décidé de faire le trek ensemble et qu’elle ait été agressée et jetée dans la rivière. Découvrir un corps et déclarer que c’est un accident à défaut d’avoir d’autres éléments, c’est un peu trop léger. En tout cas, si nous découvrons dans les conclusions quelque chose qui évoque un homicide, nous repartons sur place.”

À 28 ans, la jeune juriste a entrepris un voyage en Amérique latine. Un périple qui aurait dû durer six mois pour permettre à la jeune Linkebeekoise, de faire le point sur sa vie. Le 1er janvier 2022, Natacha s’est donc envolée pour le Pérou, avant de disparaître le 24 janvier à Cabanaconde, petit village des Andes, d’où elle devait partir pour un trek dans le canyon de Colca. Le 21 septembre, son corps était retrouvé dans la rivière.
“Nous étions sur place pour organiser une expédition sur le seul tronçon, de 20 kilomètres, qui n’avait pas été fouillé par les chercheurs car jugé trop dangereux et inaccessible. Nous étions alors convaincus à 95 % qu’il s’agissait d’un homicide. Le corps de Natacha a été découvert sur ce tronçon justement, dans la rivière, par des pêcheurs”, décrit le papa.
Pourquoi tant de lenteur dans la communication des conclusions de l’enquête ? “Le Pérou est instable, chaotique. Il y a eu un coup d’État en novembre dernier. Natacha n’est sans doute plus une priorité”, décrit Eric.
Eric et Sabine ne sont pas qu’impatients. Ils sont étonnés aussi. Étonnés qu’aucune mesure n’a été prise pour sécuriser les chemins et informer les randonneurs dans le canyon depuis la disparition de Natacha. Et ils l’ont fait savoir aux autorités locales, via une lettre adressée au maire de Cabanaconde. “L’Office du tourisme de la vallée du Colca n’a strictement rien fait pour empêcher que des événements similaires comme celui qui s’est passé avec Natacha ne se reproduisent. Aucune signalétique prévenant de la dangerosité des chemins. Pas de cartes convenables. Rien pour rendre les sentiers plus sûrs. Nous soupçonnons l’Office de ne pas bouger pour favoriser l’emploi des guides locaux”, explique Eric.
Quoi qu’il en soit, Eric et Sabine retourneront sur place, fin décembre, avec les trois frères de Natacha. “Nous partirons sur les traces de Natacha et referons les trois semaines de son voyage. Ce sera une sorte de pèlerinage. L’occasion aussi de remercier les villageois qui nous avaient bien aidés et qui n’oublieront jamais Natacha. Et de nous recueillir sur les lieux de sa découverte. ” Du reste, une plaque commémorative en mémoire de la jeune femme a été placée au Mirador d’Achachihua. “Maintenant, elle protège tous les randonneurs…” , peut-on notamment lire sur la plaque. “Aujourd’hui encore, les gens y déposent des fleurs, des bracelets…”, s’émeut Sabine.

Régulièrement fleurie, la plaque commémorative apposée à côté d’un cerisier que les parents ont planté à Linkebeek, l’est aussi. Elle est non loin du terrain de hockey du club de Natacha.


Empathiques, Eric et Sabine ont noué des contacts étroits avec Laurent Hayez, le papa de Théo disparu en 2019 en Australie, et le frère de Tiphaine Véron, une touriste française disparue au Japon disparue en 2018. “: Ils n’ont jamais été retrouvés. Leurs familles vivent toujours dans l’attente et l’angoisse. Rien n’est pire que de ne pas savoir ! Nous les encourageons à ne rien lâcher. À continuer à remuer ciel et terre”, énonce Sabine.
Touchés par le cas d’Olivier Vandecasteele, Eric et Sabine l’ont aussi été : “Ce n’est pas le même cas de figure que celui de Natacha. Mais cette histoire nous a remués. Elle nous a renvoyés à ces longs mois où nous étions dans l’attente. Nous savons ce que la famille a enduré et sommes remplis de compassion. Elle aussi, a été longtemps dans l’attente quant à savoir s’ils reverraient encore leur fils. Ils ont aussi remué ciel et terre pour le ramener à la maison”, conclut Eric.