Pourquoi les supporters de l’Antwerp sont à tel point détestés ailleurs en Flandre
Invectives, propos haineux, l’heure est au grand déballage sur les réseaux sociaux, nouveau lieu de violence verbale entre supporters.
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- Publié le 03-06-2023 à 07h04
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Ce dimanche, l’Antwerp, l’Union saint-gilloise et Genk peuvent tous les trois être sacrés champion de Belgique. L’Antwerp raflera la mise s’il s’impose sur le terrain de Genk. Cela fait 66 ans que les Reds attendent cela. Mais ce n’est pas forcément le cas partout en Flandre. Durant ces champions playsoffs, certains supporters, singulièrement parmi ceux du Club Bruges et de Genk, ont marqué leur aversion pour une victoire finale des Anversois. Ils ont été nombreux à avouer préférer que l’Union termine en tête du championnat plutôt que le Great Old. Les réseaux sociaux ont chauffé. Avec des répercussions dans les tribunes. Dimanche dernier, des supporters du Club brugeois ont même applaudi les buts inscrits par Genk contre leur propre équipe, car ces buts préservaient les chances de voir l’Antwerp être coiffé sur le fil par ses concurrents.
D’où vient cette haine de nombreux Flamands envers les supporters surnommés Antwerp Dynamite ? La Libre a interrogé Bart Vanreusel, sociologue du sport et professeur émérite à la KU Leuven. Pour l’expert, c’est l’esprit grégaire qui l’emporte dans les moments de haute tension – et les playoffs en sont. “Dans ces moments-là, les supporters de foot sont dans une logique d’opposition totale. Une mentalité polarisante du “nous” qui s’oppose au “eux”. L’image de l’adversaire (l’Antwerp) obsède les supporters (de Club Bruges et de Genk, NdlR) qu’il faut combattre à tout prix et qui est condamné à la défaite”, souligne Bart Vanreusel. Le sociologue précise que ces tensions peuvent augmenter très vite et même dégénérer jusqu’à déboucher sur du hooliganisme. “On s’identifie à une équipe lorsqu’elle remporte une victoire. On appelle cela la gloire partagée. Ces supporters n’ont qu’un seul et unique objectif : terrasser l’adversaire et remporter la victoire”, explique Bart Vanreusel.
Une sorte de “David contre Goliath”
L’effet Métropole joue aussi. “Il faut rappeler que le Royal Antwerp Football Club (RAFC) est un grand club de foot, le plus ancien de Belgique, dans la plus grande ville du pays, souligne le sociologue. Le club a la réputation d’être un peu bourgeois. Surtout, il peut se targuer d’avoir un noyau dur de supporters, prêts à tout.” Ces supporters fanatiques se trouvent généralement dans la section des “spionkoppen”, une partie dans le stade qui leur est réservée. “Ils n’hésitent pas à s’insurger contre l’ordre établi, contre l’establishment footballistique et la réputation de l’Antwerp. Pour les supporters non Anversois, l’Antwerp, est devenu Goliath, le géant, l’ennemi commun de tous les autres supporters. Ils ont l’impression d’être David (petit et courageux) qui livre une bataille contre Goliath”, résume Bart Vanreusel.
En marge de notre réflexion, Bart Vanreusel se lance dans une hypothèse qui mérite d’être approfondie. La violence dans les stades est de plus en plus contrôlée et réprimée. Mais, selon le professeur, d’autres formes de hooliganisme prospèrent aujourd’hui sur… le web. Les médias sociaux sont devenus de véritables plateformes où se déversent des propos humiliants, intimidants, violents. “On a l’impression que le noyau dur de supporters agit essentiellement par écrans interposés. Ils ont trouvé le moyen de poursuivre leur combat violent sur le Net”.
Fossé social et culturel
En résumé, il faut bien constater que le Flamand n’est pas toujours bienveillant, que du contraire, quand il s’agit de mettre en avant sa fierté régionale ou locale. Un fossé culturel, social et linguistique sépare l’Anversois du Gantois.
Certains historiens avancent comme argument principal que le comté de Flandre, au-delà de l’Escaut, a toujours rivalisé d’ardeur avec son ennemi le duché du Brabant. Il faut revenir aux Téméraires (le livre sur les ducs de Bourgogne) de l’écrivain Bart Van Loo pour comprendre ce qui sépare les Brugeois des Anversois. C’étaient des villes hanséatiques emblématiques, tantôt alliées, tantôt ennemies, où les intérêts commerciaux rythmaient les journées des habitants, pas peu fiers de leurs cités respectives. Ces plaies n’ont jamais été pansées entièrement.
Les playoffs pour le titre de Belgique l’attestent : pour les supporters de Club Bruges et KRC Genk, l’ennemi numéro un, en ce dimanche décisif, ce sont les supporters de… l’Antwerp.