Le Comité de bioéthique rend un avis unanime : il faut un cadre légal pour accompagner la gestation pour autrui
Il s’agit de garantir la sécurité juridique et les droits de toutes les parties : l’enfant à naître, la femme gestatrice et les parents d’intention. Mais il n’y a pas de consensus au sein du Comité sur le moment à partir duquel l’une et les autres sont tenus de respecter les accords conclus.
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- Publié le 07-06-2023 à 11h31
- Mis à jour le 07-06-2023 à 11h38
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Ni clairement autorisée, ni expressément interdite, la gestation pour autrui (GPA) est aujourd’hui pratiquée par les centres de procréation médicalement assistée de cinq hôpitaux belges. En l’absence de cadre légal, ceux-ci ont chacun mis au point leur propre protocole qui définit les conditions auxquelles doivent répondre les personnes qui n’ont pas d’autre option que la GPA pour réaliser un projet parental.
Faut-il aller plus loin et instaurer un cadre légal ? Oui, répond sans ambages le Comité consultatif de bioéthique dans un récent avis rendu à la demande du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit). Cet encadrement par une loi est souhaitable pour assurer la sécurité juridique de toutes les parties : l’enfant à naître, les parents et la femme qui aura prêté son corps pour la grossesse. “La gestation pour autrui peut être une expression louable d’altruisme, dans laquelle des personnes aident d’autres personnes à réaliser leur désir d’avoir des enfants”, décrit le Comité, unanime.
Aucune pression morale ou financière
Le feu vert à un cadre juridique pour la GPA exclut toute commercialisation de la pratique : “La femme gestatrice ne doit subir aucune pression morale ou financière à porter un enfant pour un(e) autre”.
Ces nouvelles recommandations du Comité consultatif de bioéthique vont raviver un débat qui vit depuis plus de deux décennies. Déjà sollicitée en 2004, l’instance avait alors remis un avis estimant déjà que la GPA était “éthiquement acceptable” dans certaines circonstances. Depuis lors, une dizaine de propositions de loi ont été déposées à la Chambre, sans aboutir. Révisé à la lumière des connaissances et des développements sociétaux et juridiques des vingt dernières années, ce nouvel avis constitue donc un socle sur lequel les partis politiques pourront s’appuyer pour encadrer juridiquement la GPA – si du moins une majorité s’entend pour suivre cette recommandation.
”Éthiquement acceptable”
Ce cadre légal devrait entériner le lien de filiation entre les parents d’intention et le futur enfant et concrétiser les accords entre ceux-ci et la “femme gestatrice”, souligne le comité de bioéthique. Qui préfère à dessein, ce dernier terme pour désigner la femme qui est enceinte et accouche à la demande des parents d’intention, plutôt que “mère porteuse”, qui maintient un lien entre grossesse et maternité. Dans le processus de GPA, on donne précisément la primauté à l’engagement parental et à la maternité “sociale” ou éducative, explique l’avis.
La base d’une GPA éthiquement acceptable repose sur le principe d’une solidarité reproductive à l’égard de personnes qui ne peuvent pas procréer sans l’aide d’un tiers, pose le comité. La GPA est une option à laquelle on peut avoir recours en cas d’infertilité ou d’impossibilité à mener une grossesse (un couple d’hommes).
La gestation pour autrui suppose une articulation délicate entre la sphère d’autonomie des parents d’intention et celle de la femme gestatrice, soulève l’avis du comité. Il est dès lors particulièrement important que toutes les questions potentiellement sensibles (les méthodes de surveillance du développement du fœtus, des possibles interventions médicales…) soient discutées au préalable et fassent l’objet d’un accord entre les parties. “Y compris le fait que la femme gestatrice peut changer de décision jusqu’au moment de la conception et renonce ensuite à ses droits parentaux.”
L’intention plutôt que la capacité biologique
Le Comité partage la conviction que la parentalité ne doit pas nécessairement reposer sur un lien biologique/génétique. Autrement dit : le sens des relations parentales réside avant tout dans l’intention et le désir d’être parent plutôt que dans la capacité biologique à concevoir un enfant.
Dans un processus de GPA, la femme gestatrice perd son droit à la parentalité dès lors qu’elle s’engage, en toute connaissance de cause, à porter l’enfant pour le(s) parent(s) d’intention et que la conception a eu lieu. Les parents d’intention, à l’initiative desquels l’enfant a été conçu, sont donc reconnus comme parents. Cela implique, aussi, que la femme qui a porté le bébé ne peut pas le garder après la naissance.
Mais il n’y a pas d’unanimité au sein du comité sur le moment à partir duquel les parents d’intention et la femme gestatrice ne peuvent plus changer d’avis. Avec toutes les conséquences légales qui en découlent…
Aucun cas où la femme qui portait le bébé s’est ravisée
Pour certains membres, si la femme gestatrice refuse de renoncer à l’enfant après l’accouchement en dépit de l’accord initial, cet accord initial doit être exécuté pour atteindre son premier objectif : la sécurité juridique pour toutes les parties. Dans leur raisonnement, la femme qui a porté l’enfant n’ayant jamais été la mère légale (elle a renoncé à toute revendication de droits parentaux au moment de la conception), l’enfant en question n’est pas le sien mais celui des parents d’intention. Par ailleurs, si on autorise la femme gestatrice à revenir sur sa décision, les parents d’intention devraient aussi pouvoir le faire, une possibilité qui n’est pas souhaitable, ajoutent-ils. L’enfant pourrait, virtuellement, se retrouver sans aucun parent.
Pour d’autres membres, cette condition d’imposer, au préalable, à la femme gestatrice de renoncer à l’enfant, “comme s’il s’agissait d’un accord commercial”, n’est “pas acceptable/admissible”. En cas de litige, le tribunal de la famille semble le mieux à même de trancher les conflits, plaident-ils.
Le Comité précise que jusqu’ici, en Belgique, aucune femme qui a porté un enfant pour d’autres parents ne s’est ravisée après la naissance en décidant de garder le bébé.