"Entre colère et désillusion" : en Wallonie, le secteur de l’intégration des étrangers attend sa réforme
Les opérateurs du parcours d’intégration avancent parfois sur fonds propres, sans certitude de recevoir leurs subsides.
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- Publié le 10-06-2023 à 07h19
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Au sud du pays, le parcours d’intégration est obligatoire pour les primo-arrivants depuis 2016. Il pourrait toutefois être menacé, faute de financements des associations de terrain. C’est le message lancé par les fédérations du secteur de l’intégration des étrangers en Wallonie. Elles redoutent la mise à mal de leur mission dans les prochains mois.
Depuis plusieurs mois, les différentes coupoles alertent le monde politique. En mars dernier, elles avaient adressé un courrier à la ministre wallonne de l’Action sociale, Christie Morreale (PS). “Dès 2020, nous vous interpellions sur les chantiers cruciaux à entreprendre en vue d’améliorer la politique d’intégration des personnes étrangères et d’origine étrangère en Wallonie. Or, à cette date, nos démarches répétées n’ont débouché sur rien de concret, alors que plusieurs crises ont amplifié les difficultés du terrain”, affirmaient les signataires. Avant de conclure : “Chez les opérateurs que nous représentons, l’amertume va grandissant, entre colère et désillusion suite aux espoirs qui avaient pu être placés en cette législature”.
Faiblesses et lacunes
Dans un rapport publié en octobre 2022, la Cour des comptes s’était penchée sur le dispositif du parcours d’intégration wallon lancé en 2014, et rendu obligatoire deux ans plus tard pour les primo-arrivants (il reste accessible aux autres personnes d’origine étrangère sur une base volontaire). La Cour avait observé une série de faiblesses et de lacunes. Elle soulignait par exemple que la procédure d’identification ne permettait pas de s’assurer que les personnes concernées par l’obligation sont systématiquement inscrites dans le parcours. “En l’absence de données adéquates, il est notamment impossible d’établir dans quelle mesure l’offre de services actuelle couvre la demande inhérente au parcours d’intégration”, soulignait encore la Cour. Le rapport indiquait aussi qu’il était impossible de se prononcer sur la qualité des prestations car cette dimension n’était pas suffisamment évaluée par la Région wallonne.
Elle avait par ailleurs épinglé que deux tiers du secteur étaient financés de manière facultative. Il s’agit d’une forme de financement qui s’apparente à une forme de parrainage ou de sponsoring. Un dispositif incertain donc, qui rend le travail des associations instables. “Nous sommes maintenant au mois de juin et certaines organisations ne savent toujours pas quels subsides leur seront accordés. Pourtant, sur le terrain, le travail continue, mais à l’aveugle”, décrit Muriel Wiliquet conseillère à la fédération CAIPS (Concertation des Ateliers d’Insertion Professionnelle et Sociale).
L’attente de la réforme
”Le gouvernement wallon s’était pourtant donné pour objectif de poursuivre 'la mise en œuvre du parcours d’intégration, [la] stabilisation du secteur de l’intégration des personnes d’origine étrangère (favoriser l’agrément et la simplification du financement)'”, rappellent les fédérations, citant l’accord de gouvernement conclu en 2019. La ministre de l’Action sociale avait en outre engagé une refonte de la réglementation. Les travaux ont bien commencé, mais la réforme tarde à se concrétiser.
Le cabinet de la ministre précise que le dossier est actuellement chez l’inspecteur des finances et que la réponse est nécessaire avant que le sujet n’arrive sur la table du gouvernement. Mais les opérateurs de terrain commencent à trouver le temps long. “Le timing devient très – voire trop — serré pour que le processus législatif aboutisse avant les affaires courantes en 2024”, redoute Muriel Wiliquet, qui n’exclut pas de mener des actions dans les prochaines semaines.