Les CPAS wallons réclament des moyens pour assurer le minimum aux plus fragiles : un toit, de quoi manger, un travail
Les Centres publics d’action sociale sont en première ligne face à la précarité, qui a explosé au sud du pays. Ils demandent un soutien “à la hauteur des enjeux”. Sans quoi ils ne pourront pas continuer à remplir leurs missions fondamentales.
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- Publié le 14-09-2023 à 14h14
- Mis à jour le 14-09-2023 à 14h44
”La situation des CPAS n’est pas riante. Et c’est un euphémisme”, pointe d’emblée Luc Vandormael PS), président de la Fédération des 262 CPAS wallons. “Principale institution sociale du pays, ils assument les situations des plus fragilisés et, désormais, la précarisation croissante d’une classe moyenne qui l’est de moins en moins”, alerte-t-il.
Il suffit d’aligner quelques chiffres pour constater que la situation sociale s’est durement dégradée au cours de la législature communale qui se termine. Les bénéficiaires du Revenu d’insertion sociale (RIS) ont ainsi grimpé de 30 % en Wallonie, sans compter la très forte augmentation d’aides sociales complémentaires. Les problèmes de santé mentale ont bondi de 40 % sur la même période. Les jeunes précarisés sont particulièrement affectés. “On est en train de se demander si ce n’est pas une génération sacrifiée”.
Beaucoup laissent tomber…
La contractualisation de l’aide sociale s’est généralisée, avec une sélectivité accrue, ajoute Luc Vandormael, ce qui accroît considérablement la charge administrative (il y a des conditions et des obligations à remplir, qui doivent être contrôlées). Les travailleurs sociaux ne peuvent plus se consacrer à leur travail de base : accompagner les plus fragilisés. Conséquence : un grand nombre de personnes précarisées, qui entrent pourtant dans les conditions d’être aidées, laissent tomber. Ce phénomène de non-recours au droit – une forme de violence institutionnelle – s’accentue, observe la Fédération.
Cela rebondit sur le terrain. Les usagers, lâchés de partout, finissent par s’en prendre aux travailleurs sociaux. Difficile de recruter et de maintenir le personnel en place, notamment en première ligne. “Malgré tout, nous sommes là : les CPAS continuent à faire face et à assurer leurs missions premières”, insiste le président de la Fédération.
Les trois piliers
Mais, à l’entame d’une année qui sera forcément très électorale, les Centres publics d’action sociale du sud du pays adressent un message insistant aux autorités : qu’on leur donne les moyens pour, au moins, assurer leurs missions fondamentales auprès des personnes fragilisées, c’est-à-dire leur permettre de disposer d’un toit, de se nourrir et d’exercer un travail. “Il s’agit là des trois piliers de la dignité humaine. Les CPAS doivent impérativement être soutenus à la hauteur de ces enjeux”, revendique Luc Vandormael.
Un toit au-dessus de la tête ? En Wallonie, près de 100 000 personnes (41 900 ménages), qui sont dans les conditions d’accéder à un logement social, sont toujours en attente, résume Philippe Noël (Écolo), président du CPAS de Namur. “La politique du logement est cruciale et doit être une priorité régionale pour les prochaines années, avec une réponse urgente, forte, ambitieuse, assortie des moyens conséquents nécessaires.”
La Fédération pointe une série de leviers à activer, dont le lancement d’un droit de tirage pour permettre la “rénovation lourde” du parc existant de logements publics, l’instauration d’un Fonds régional de garantie locative (au-delà de l’actuel prêt “à taux zéro”, la généralisation du “Housing First”…
”La situation devient ingérable”
Se nourrir ? “De plus en plus de personnes dépendent d’une aide alimentaire pour manger alors que celle-ci devrait être vue comme une solution d’urgence”, relève pour sa part Eric Jérôme (MR), président du CPAS de Herve. Les CPAS wallons préconisent davantage de moyens (matériels, humains et financiers) pour répondre aux besoins croissants ; une approche plus coordonnée entre acteurs ; un financement du travail en réseau entre tous les acteurs de l’alimentation…
Exercer un travail ? “On entend dire que les CPAS encouragent l’assistance. C’est faux !, s’insurge Luc Vandormael. L’insertion socioprofessionnelle fait partie des missions légales du CPAS.” Le président de la Fédération précise qu’en 2022, 10 303 Wallons ont été mis à l’emploi via les articles 60 (le CPAS est employeur) et 61, selon les chiffres du SPP Intégration sociale.
On entend dire que les CPAS encouragent l'assistance. C'est faux!
Les CPAS sont donc actifs et efficaces dans la mise à l’emploi des personnes fragilisées, mais ils sont de plus en plus confrontés aux “pièges à l’emploi”, dûs à l’écart qui se réduit entre le salaire minimum et les allocations d’insertion. Cela rend le travail peu attractif, ou moins rémunérateur (en raison du coût de la de garde d’enfants, des frais de transport…) que l’inactivité. Un phénomène qui s’est accentué depuis juillet 2023, relève la Fédération : la dernière augmentation du RIS n’a pas été suivie d’une hausse du salaire minimum. “La situation devient ingérable pour nos CPAS”.
Qui alignent des recommandations “de bon sens” : relever les allocations sociales en lien automatique avec la hausse du salaire minimum ; relever les bas salaires ; lier les aides à un revenu et non à un statut…