Abus sexuels dans l’Église : des victimes témoignent dans un documentaire de la VRT qui crée l’émoi en Flandre
La série sur Canvas permet aux téléspectateurs de prendre la vraie mesure de ce qui s’est passé et de fixer l’ampleur du phénomène.
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- Publié le 16-09-2023 à 14h45
- Mis à jour le 17-09-2023 à 16h15
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Godvergeten est un documentaire en quatre épisodes diffusé sur la deuxième chaîne de la télévision publique Canvas. Toute la Flandre en parle ou presque. La série a remis à la une de l’actualité les abus sexuels au sein de l’Église, un fléau que l’institution tente de combattre depuis plus de trente ans. On en a beaucoup parlé et on pensait avoir tourné la page de cet épisode pénible. Et pourtant… Plusieurs centaines de milliers de téléspectateurs ont suivi, deux mardis d’affilée, les deux premiers épisodes de la série réalisée par Ibbe Daniëls et Ingrid Schildermans. Deux autres épisodes de l’émission seront diffusés les mardis 19 et 26 septembre.
Au cours de la deuxième émission, les téléspectateurs ont pu voir pour la première fois le visage de Mark Vangheluwe, le neveu de Roger Vangheluwe, l’ancien évêque de Bruges contraint à la démission en 2010 après avoir reconnu avoir abusé de son neveu pendant de longues années. Cette révélation avait fait les titres de la presse internationale. En juin 2010, elle avait déclenché l’Opération Calice avec des perquisitions menées pour tenter de faire la lumière dans des dossiers d’abus sexuels au sein de l’Église.
Enfer sur terre
Certaines victimes se sont exprimé pour la première fois face caméra. Elles ont parlé de l’enfer qu’elles avaient traversé. Abusées par des prêtres il y a 30 ans ou plus, elles sont marquées à vie. Des personnes vulnérables ont été des proies faciles pour des clercs sans scrupule. Accrocheur, le titre en néerlandais de la série “Godvergeten” (Dieu oublié), signifie par extension : “infernal, ignoble, répugnant.” Humiliées, rejetées, mises sous pression, ces personnes racontent qu’elles gardent des séquelles des sévices subis, même trente ou quarante années après les faits. Le documentaire de Canvas permet aux téléspectateurs de prendre la vraie mesure de ce qui s’est passé et de constater l’ampleur du phénomène.
”Je ne suis pas devenu prêtre pour nettoyer tout cela”
Les évêques flamands avaient annoncé qu’ils communiqueraient sur la question, mais seulement après la diffusion des quatre parties du documentaire, c’est-à-dire après le 26 septembre. Or, les deux premières parties ont provoqué une telle onde de choc en Flandre que Johan Bonny, l’évêque référendaire pour les abus sexuels dans l’Église, a choisi de sortir de son silence, lundi 11 septembre. Au micro de Radio 1, le prélat a regretté que l’on donne l’impression que l’Église n’ait rien fait pendant des années. “Je n’étais pas encore en fonction à l’époque. Je ne suis pas devenu prêtre pour nettoyer tout cela”, a expliqué Johan Bonny. Mais depuis 13 ans, croyez-moi, j’y ai pensé tous les jours. Et beaucoup d’autres avec moi, ça, je peux vous le dire le cœur sur la main. Je reconnais bien sûr la souffrance des victimes, mais je dis aussi que nous avons pris nos responsabilités dans cette affaire et nous continuons à le faire.” Peu après, Lode Aerts, l’évêque de Bruges, est lui aussi sorti de son mutisme en adressant un message de sympathie aux victimes et à leurs proches.
La sortie médiatique, inattendue, de Mgr. Bonny, évêque d’Anvers, a provoqué l’incompréhension. “À ce stade-ci, une digne retenue aurait été préférable”, ont souligné plusieurs observateurs. Cela n’a pas empêché le nouveau primat de Belgique, Mgr Luc Terlinden, de s’exprimer à son tour. Vendredi soir, dans son homélie à l’occasion des adieux du cardinal Jozef De Kesel, le nouvel archevêque de Malines-Bruxelles a reconnu que l’Église catholique belge avait “échoué”. “Échoué en relativisant parfois et en ne voyant pas l’ampleur des drames personnels. En n’agissant pas toujours de manière cohérente ou en prenant des mesures appropriées et décisives. Et même en dissimulant des crimes.”
Annulation de baptême
Après avoir regardé les deux épisodes, de nombreux baptisés ont fait le choix personnel, somme toute symbolique, de quitter l’Église en demandant l’annulation de leur baptême. Les diocèses d’Anvers et de Hasselt ont enregistré une hausse d’annulations, sans pour autant pouvoir fournir un chiffre précis. Certains souhaitent une initiative parlementaire réclamant une révision du financement des cultes (art 181 de la Constitution). Le culte catholique se taille la part du lion, avec 80 % des subventions accordées par le ministère de la Justice. Ce montant est calculé selon le nombre d’habitants des paroisses, baptisés ou non.