Avec “En attendant la fin”, Dominique Bréda se joue de la mort
Le dramaturge, photographe et musicien belge réunit, pour la 5e fois, sa troupe de fidèles trublions du rire.
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Publié le 29-11-2022 à 12h21
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Dans un décor immaculé ceinturant le plateau de portes étroites et allongées, Alice (Catherine Decrolier), l’air un peu hagard et inquiet, interroge l’homme (Thomas Demarez) qui se tient à côté d’elle. – “Vous êtes docteur, c’est bien ça ?” –“Moi ? Je suis spécialiste en psychologie animale, végétale et minérale.” […] – “Je suis désolée” – “Vous voulez parler un peu de ce que vous ressentez ?” –“Je suis morte et…, je ne sais pas,… j’ai peur” – “C’est la perte de repères…” – “Oui, le coupe-t-elle. C’est une assez grosse perte de repères.” – “La mort est une expérience assez déstabilisante. C’est normal, ce que vous ressentez.” – “Quand est-ce que tout cela va s’arrêter ?” […] C’est l’au-delà, ici ? Ou ce n’est pas l’au-delà ? […] J’ai envie d’exploser, de péter les plombs et de mourir. Mourir pour de bon. Meeerde.” […]
”OK. C’est bien ! Il faut tenir ce rythme-là, hein !”, les encourage la metteuse en scène Emmanuelle Mathieu, à la fin de leur dialogue. Et de profiter de ce moment de répétitions pour rappeler à l’ensemble des cinq comédiens : “N’oubliez pas que lorsque vous ouvrez une porte, il faut la bloquer derrière vous. Nous sommes dans un huis clos et Alice est vraiment prisonnière de sa condition”.
La Mort, Dieu, un savant fou…
Alice, c’est le personnage au centre du nouveau spectacle de Dominique Bréda, En attendant la fin, dont la tournée (près de quinze dates) débute ce 1er décembre au Waux Hall de Nivelles. Et pour aborder tout en humour et légèreté le sujet autour duquel il a tissé ce nouveau récit − la mort –, le dramaturge, photographe et musicien belge a réuni sa bande de fidèles trublions du rire : Jean-François Breuer, Julie Duroisin, Catherine Decrolier, Thomas Demarez et Amélie Saye. Fidèles, car c’est la 5e fois (après Purgatoire, Le groupe, Enfer et Délivre-nous du mal) qu’ils se retrouvent dans une comédie de Dominique Bréda.
Qu’y a-t-il après la mort ? Y a-t-il un au-delà ? Un enfer ? Un paradis ? Autre chose ? Que penser des témoignages de celles et ceux qui disent avoir vécu une expérience de mort imminente ? Pourrons-nous rencontrer Dieu ? Etc. Voilà autant de questions qui taraudent l’être humain depuis la nuit des temps et traversent la pièce de Bréda.
Dans En attendant la fin, “c’est un peu Alice au pays des morts puisqu’Alice est morte”, résume Emmanuelle Mathieu. “L’histoire se passe au purgatoire et elle va rencontrer une panoplie de personnages : la Mort, Dieu, des psy, un savant fou… J’avais envie d’inscrire cette Alice comme si tous ces personnages étaient dans sa tête. Ce sont toutes des facettes d’elle-même ; c’est une remise en question de sa vie. Donc, c’est elle qui les invente sur scène. C’est sa vision que l’on reçoit en tant que spectateur.” Elle poursuit : “On est dans le Tartare, d’accord, mais on est surtout dans un no man’s land, un huis clos. J’avais vraiment envie que non seulement Alice soit mise à mal par ces personnages, mais qu’elle se sente aussi constamment observée. Un peu comme dans un true woman show. Donc, elle ne peut pas sortir de là et c’est très étrange pour elle”.
”Mon personnage passe par toutes les émotions, enchaîne Catherine Decrolier. Le deuil, la peur, le déni, la colère… et, peut-être, l’acceptation. En tout cas, le parti pris, c’est qu’il doit rester hyper sincère. Le spectateur va s’identifier à cette Alice qui est ballottée par toutes ces rencontres les plus absurdes et les plus dingues possible. Elle va se sentir très seule”. La comédienne complète : “C’est de là aussi que découle l’étrangeté. Les autres personnages peuvent tout se permettre, car ils sont inventés, ils sont dans ma tête. Tous ceux qu’Alice rencontre sont haut perchés et, elle, par contre, reste dans cette impuissance d’agir”.
Jeu et bruitages
Très complices pour avoir déjà joué à plusieurs reprises ensemble, et notamment pour Dominique Bréda, “nous avions cette envie commune d’amener un autre univers”, expose Catherine Decrolier. “Il y a l’écriture de Dominique qui est très forte, mais nous voulions une couche en plus. Et Emmanuelle Mathieu a cet amour pour le rythme de la comédie. Elle a un côté artisanal – ici, les comédiens bruitent tout en coulisses – et puis, je crois qu’elle est aussi folle que nous”, sourit-elle.
”J’ai, effectivement, demandé aux comédiens de bruiter beaucoup de choses. À l’aveugle. Donc, c’est technique, reprend la metteuse en scène. C’est un double jeu : ça se passe aussi bien sur le devant de la scène que derrière. Donc, on ne peut pas demander ça à n’importe qui. Il faut que les comédiens se connaissent bien, s’organisent très vite. En plus, c’est vraiment à la Rémi Bricka : il y a de la récup, on a essayé plein de choses et c’est drôle”.
Une première pour Thomas Demarez, qui interprète plusieurs rôles dans la pièce. “Ce n’est pas commun, assure-t-il. Il n’y a pas de temps mort : que l’on soit sur scène ou en coulisses, il y a toujours quelque chose à faire. Il doit y avoir une écoute extrême. C’est comme une partition”. “C’est très gai, mais cela demande deux fois plus de boulot qu’un spectacle normal, confirme Catherine Decrolier. Donc, le fait que l’on se connaisse bien nous aide, car, il faut être très précis : trouver le son exact, répéter pour que ça tombe tip-top… C’est un vrai travail de dentelle”.
-- > En tournée dès ce 1er décembre au Waux Hall de Nivelles puis à Obourg, Huy, Sambreville, Gembloux… jusqu’au 31 janvier 2023. Infos et rés. sur www.livediffusion.com