Liège s’offre une éblouissante Clémence de Titus
Bartoli et ses complices pour une très théâtrale version de concert.
Publié le 29-11-2022 à 14h30
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En 1992, le label Oiseau-Lyre enregistrait, sous la direction de Christopher Hogwood, une des premières versions sur instruments anciens de La Clemenza di Tito, avant-dernier opéra de Mozart. Pour beaucoup, c’était aussi la découverte d’une jeune mezzo-soprano italienne de 25 ans qui chantait Sesto : Cecilia Bartoli.
Trente ans plus tard, celle qui est devenue entretemps une des stars les plus en vue du monde lyrique, une des rares à vendre encore des disques sur son nom mais qui est aussi directrice artistique du festival de Pentecôte à Salzbourg et bientôt de l’Opéra de Monte-Carlo, chante toujours le rôle de l’ami fidèle de Titus qui, par amour de l’intrigante Vitellia, trahit l’Empereur. Chante ? Joue, incarne, personnifie Sesto. Est Sesto !
Feu et flamboyance
C’est le premier enseignement et la première raison de s’enthousiasmer de cette Clemenza di Tito donnée lundi à Liège. Pour ses débuts dans la cité ardente, l’Italienne démontre qu’elle n’a rien perdu de son feu, de sa flamboyance, de son talent de comédienne, mais aussi et surtout de sa voix : ronde, homogène, assurée dans tous les registres, parfaitement juste et toujours capable de ces nuances qui ne sont qu’à elle et de ces éclats qui font le drame. Une version de concert mais où, grâce aux entrées et sorties constantes (le temps est loin des opéras en concert où tous les solistes étaient alignés à la rampe et se levaient tour à tour en poussant leur lutrin), grâce aux déplacements, aux gestes, aux attitudes, aux costumes (de ville certes, mais néanmoins stylés), on chante comme au théâtre.
Tous, à l’exception de John Osborn – un peu embarrassant à force de garder les yeux rivés sur sa tablette – connaissent chaque mesure par cœur. Le ténor américain est du coup forcément un cran en dessous, mais Léa Desandre (Annio pur et frais), Mélissa Petit (délicieuse Servilia), Alexandrine Marcellier (Vitellia très sûre, à l’aise dans tous les registres mais avec une tendance à surjouer un peu son personnage) et Peter Kalman (formidable Publio, un luxe pour ce rôle secondaire souvent négligé) sont tous remarquables.
Coup de chapeau aussi à Gianluca Capuano, qui dirige de plain-pied Les Musiciens du Prince-Monaco et son chœur Il Canto d’Orfeo. Hormis des bois un peu verts dans l’ouverture (mais les solos de clarinette basse et de cor de basset seront à juste titre mis en valeur ensuite), les instruments anciens soulignent idéalement les contrastes qu’il insuffle à chaque instant. Et ses tempi parfois inattendus (notamment un Deh per questo istante solo d’une lenteur funèbre) créent du sens.