Un collectif baroque appelé Clematis

En 2001, après un premier CD (Musica Ficta) consacré au compositeur bruxellois Nikolaus a Kempis (1600-1676) et poursuivant la recherche sur les répertoires “belges” méconnus, elle retrouve miraculeusement (les mots sont pesés) la partition – que l’on croyait perdue – de l’opéra Ulisse all' isola di Circe de Giuseppe Zamponi (Rome 1615-Bruxelles 1662), premier opéra joué à la Monnaie, en 1650.

”Après avoir convaincu Bernard Mouton de programmer l’opéra au Printemps Baroque du Sablon, il fallut passer à la vitesse supérieure, élargir les effectifs et trouver un claveciniste, continuiste, chef d’orchestre prêt à sauter dans le train. J’ai appelé Leonardo, qui était toujours à Genève, et il nous a rejoints. Tout le monde logeait à la maison, on a travaillé comme des fous et, 350 ans après sa première représentation, la recréation d’Ulisse, marqua nos véritables débuts. Par la suite, l’ensemble connut une double évolution : d’une part dans sa collaboration avec Leonardo Garcia Alarcón et les chanteurs de sa Cappella Mediterranea, d’autre part dans un répertoire propre, essentiellement instrumental, dans lequel l’arrivée de Brice Sailly, claveciniste, chercheur, inventeur, fut décisive. ”

L’ensemble est désormais lancé, sur le modèle d’un collectif – “ce qui ne plaît pas à tout le monde…” – il a fidélisé ses musiciens, conquis une place de choix parmi les ensembles européens et enchaîné les productions discographiques.

”Aujourd’hui, je parviens enfin à écouter mes enregistrements avec sérénité et même un certain bonheur. Grâce à Jérôme Lejeune et à Ricercar, j’ai pu relier la musique et la musicologie, si précieuse dans la musique ancienne. À mon tour, je veux être une passerelle, pour le public, pour mes étudiants, pour les autres musiciens.”

Un “oratorio-collage” pour célébrer Noël

Directeur du label Ricercar, musicologue de haut vol, gambiste et joueur de cromhorne à ses heures, Jérôme Lejeune a donc suivi Clematis depuis ses débuts.

”En tant que “musicologue de service”, j’ai entraîné Clematis dans mes propres passions, c’est-à-dire les compositeurs allemands du XVIIe siècle, ce qui nous a conduits au programme qui fêtera les 20 ans de Clematis, et, pour moi, c’est le paradis ! Noël était au centre du projet mais aucun des compositeurs auxquels je songeais – Schütz, Schelle, Hammerschmidt, Pohle…- n’offrait une œuvre suffisamment longue pour y consacrer tout un enregistrement. L’idée m’est donc venue de réaliser un “oratorio-collage” reprenant point par point, et dans l’ordre, toute l’histoire de la Nativité, avec un maximum de variété, de beaux enchaînements d’ambiances et de tonalité, en parallèle avec Noël, ses lumières et ses couleurs”.

Le libre-penseur et le petit Jésus

À l’entendre, on se demande comment le libre-penseur de l’intelligentzia liégeoise peut se laisser attendrir à ce point par la fête de Noël. “Pas si simple ! Ma mère était catholique, mon père était laïque, mais ami de l’Évêque de Liège, j’ai servi la messe enfant, et le reste m’appartient. Mais Noël a toujours été pour moi un moment merveilleux et j’estime que la spiritualité fait partie de la culture et de la pensée. Au-delà du “Jesulein”, si tendre et si mignon, la fête de Noël célèbre le renouveau, alors qu’on est au cœur de l’hiver… C’est un acte de confiance dans la nature, dans la puissance de la vie, et dans la communauté. Au XVIIe siècle, à un moment où, face à la naissance de l’individu, le collectif avait encore droit de cité, ce sont les compositeurs allemands qui ont signé les plus belles œuvres autour de Noël, mettant en connexion les grandes questions spirituelles et la façon si simple dont ces questions sont portées par les humbles, les bergers, tout un chacun.”

À découvrir au Grand Manège, à Namur, le jeudi 8 décembre à 20h. Infos : www.clematis-ensemble.be