Le musée des Beaux-Arts de Charleroi a enfin son lieu
Événement pour la ville, son musée des Beaux-Arts occupe les anciennes écuries de la caserne Defeld.
/s3.amazonaws.com/arc-authors/ipmgroup/dbef88af-a777-4e76-9966-40b1fd6e9729.png)
Publié le 16-12-2022 à 14h32 - Mis à jour le 16-12-2022 à 16h04
:focal(1323x891:1333x881)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/SREMDDS2AZAOZLXGBZNA3LOPIQ.jpg)
Après 27 ans niché au deuxième étage de l’hôtel de ville, hébergé ensuite de 2007 à 2019 au Palais des Beaux-Arts (PBA) et après trois ans de fermeture, le musée des Beaux-Arts de Charleroi trouve enfin un lieu à lui : les anciennes écuries de la caserne Defeld de 1887. Il se trouve sur la même place de briques rouges que la tour-signal bleue de la police, 60 m de haut, signée Jean Nouvel et inaugurée en 2014. Charleroi Danse est tout proche aussi.
Le nouveau musée se déploie sur 2 080 m2 dont 1 200 m2 pour les expositions. Il a été aménagé pour un coût de 2,8 millions d’euros par le bureau Goffart Polomé Architectes.
Le seul signe extérieur indiquant le musée est sa grande entrée donnant sur le boulevard Mayence. À l’intérieur, on a conservé les colonnes de pierre et, dans les salles d’expositions temporaires, les anciennes mangeoires des chevaux.
Pour le reste, tout est blanc et élégant : sol en granito ou en chêne clair dans les alcôves des salles d’exposition permanentes à l’étage. Le rez-de-chaussée étant réservé aux expos temporaires.
Bien sûr, il n’a pas l’ambition de rivaliser avec les grands musées de Bruxelles, Anvers ou Gand. C’est un musée de ville avec une collection de 4000 œuvres surtout des artistes de Charleroi et sa région. Le choix a été fait de mêler tout au long des noms connus (comme Magritte ou Paulus) à des peintres moins connus.

L’histoire de la collection démarre en 1889 avec alors le don à la ville d’un buste de François-Joseph Navez qui trône à l’entrée des salles et qui était le portraitiste de la bourgeoisie sous Léopold Ier. Mais c’est en 1911, à l’occasion de l’exposition internationale de Charleroi, que son bourgmestre Jules Destrée envisage un musée qui occuperait un étage de l’hôtel de ville. La collection s’est ensuite enrichie peu à peu par des achats et des dons. Le musée s’ouvre au public dans les années 80.
Des alcôves
Les salles d’exposition permanentes débutent par un très beau tableau de 1911 de Pierre Paulus (1881-1959), Jeunesse, désigné comme “trésor de la Fédération Wallonie-Bruxelles”. On y voit un jeune couple d’amoureux sur les rives de la Sambre, avec à l’arrière une intense activité industrielle.
L’étage s’articule le long d’un couloir baigné de lumière avec une série de portraits. On y trouve trois Magritte. Deux atypiques qui sont des œuvres de jeunesse : des portraits de 1920 du poète Pierre Bourgeois. À côté, un très beau Magritte de 1925, célèbre, La Baigneuse.
L’étage est divisé en une série d’alcôves, chacune dans une atmosphère chaude avec des tentures et associée à un thème. Le parcours d’une centaine d’oeuvres est à la fois chronologique et thématique.
Il part du néoclassicisme avec Navez, continue sur l’orientalisme avec la figure de Jean-François Portaels.
Dans la salle consacrée au paysage, on trouve un très beau Maximilien Luce avec les hauts fourneaux de Charleroi, ainsi que des petits tableaux de peintres aussi connus qu’Ensor, Rops et Courbet (un paysage d’Ornans).
Le choix a été fait de ne pas placer des cartels à côté de chaque tableau, mais de les concentrer sur un panneau afin de laisser le visiteur s’imprégner d’abord des œuvres qu’il découvre.
Magritte
La salle consacrée au réalisme social est centrée sur le travail des femmes avec un beau tableau de Constantin Meunier d’une “hiercheuse” au regard fier, descendant dans la fosse, c’était une ouvrière chargée de faire circuler les wagonnets au fond de la mine. On retrouve encore Pierre Paulus, le peintre sans doute le plus emblématique de Charleroi.
Mais la ville n’est pas qu’industrielle. Une salle est consacrée à la vie quotidienne avec un très beau tableau d’Anna Boch (1848-1936), une artiste que le MuZEE d’Ostende célébrera par une exposition qui lui sera consacrée à partir de juillet 2023. On y trouve aussi le sensuel Repos (1936) de Gustave Camus. Les fêtes sont évoquées par des tableaux d’Ensor et Tytgat.
La salle consacrée au surréalisme retiendra surtout l’attention avec trois autres Magritte : La liberté de l’esprit (un portrait de Georgette en 1948), L’empire de la réflexion (1938) et le projet de La fée ignorante. Avec aussi une Annonciation de Paul Delvaux.

Le parcours se termine par l’abstraction (un beau Jo Delahaut) et une salle pour l’art contemporain (avec Johan Muyle, Michaël Matthys et d’autres). Une place réduite, car c’est au BPS22 tout proche que l’art actuel se montre.
L’accès aux collections permanentes est gratuit et l’accrochage sera régulièrement modifié au rythme d’un tableau sur cinq changé par an.
Après la première expo temporaire consacrée aux cent ans de Dupuis, on annonce fin 2023 une exposition Art et sport et en 2024, Les femmes artistes en Belgique au XXe siècle.
Musée des Beaux-Arts de Charleroi, 67 boulevard Mayence, fermé le lundi. Ouvert du mardi au vendredi de 10h à 17 h et le week-end de 10h à 18h.
Nos héros favoris
La première exposition temporaire intéressera et amusera tous les publics, de tous les âges. Elle est consacrée aux cent ans de l’éditeur Dupuis qui fut d’abord imprimeur d’étiquettes pour médicaments avant d’incarner le 9e art au Pays noir. Elle est sous-titrée La fabrique de héros car comme le dit Thierry Tinlot, un des commissaires et qui fut durant 12 ans le boss à Spirou, la BD fait naître des héros qu’on retrouve à l’exposition sous toutes leurs formes : le gaffophone de Gaston Lagaffe trône à l’entrée. Sur un mur on reconnaît la flûte à six schtroumpfs, les casques de Choc et de Michel Vaillant. Largo Winch, le Marsupilami, etc,, sont tous là. On y trouve 150 superbes planches originales prêtées par des collectionneurs. Au total 485 objets sont présentés !
On s’amusera à retrouver la collection complète des mini-livres à plier qu’on trouvait dans les Spirou, ou à lire les BD qu’on peut trouver dans une bibliothèque ouverte au public.
Présentée comme une visite dans un atelier, la fabrique de héros, on expose au centre, emballés, 1 500 exemplaires du Petit Spirou représentant un seul jour de vente. !
Une animation interactive permet de suivre deux dessinateurs à l’œuvre. Un mur avec des trous de serrure est consacré aux “petits secrets” de la BD. Et le savant autant que facétieux Thierry Tinlot a placé le long du parcours des avertissements rigolos du genre : “Ne pas parler en dehors des phylactères” ou “Tout bord perdu doit être ramené à l’accueil”.