David Crosby, troubadour de toute une génération
Il connut le succès avec ses harmonies vocales : David Crosby était un symbole “peace and love”. Portrait.
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- Publié le 20-01-2023 à 15h48
- Mis à jour le 20-01-2023 à 19h57
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Grosse moustache qui descendait sous ses commissures, il ressemblait à un irréductible Gaulois. Sauf qu’il venait de Californie et n’était pas cerné par les Romains, mais par tout ce que l’Amérique et l’Occident comptent comme conservateurs et réactionnaires. Avec Stephen Stills, Graham Nash et, occasionnellement, Neil Young, David Crosby a émergé dans un pays en proie à la violence raciale et politique, des États-Unis enfoncés dans le bourbier vietnamien.
De tout cela, la jeunesse américaine est lasse et trouve, en David Crosby et ses compères, des porte-parole, symboles d’opposition et d’émancipation. Le tout amplifié par le formidable porte-voix que fut, début août 1969, le festival de Woodstock dont CSN&Y émergèrent avec le statut de stars de la contestation. Le tout sans brandir le poing, mais avec des ballades folk-pop, interprétées d’une voix douce avec de délectables arrangements.
Ces harmonies hautes et denses sont la signature de David Crosby. Né le 14 août 1941 à Los Angeles, en Californie, il est devenu harmoniste vocal au sein de la première formation importante qu’il intégra en 1964, les Byrds. Pendant qu’il accordait les voix, le fondateur du groupe, Jim McGuinn – il se fera appeler Roger plus tard – s’activait sur sa 12 cordes.
L’association entre ces deux fortes personnalités achoppe, en 1967, sur une chanson de Crosby, “Triad”, dont McGuinn ne veut pas. Après s’être attelé à un premier album, qui ne paraîtra que cinq ans plus tard, David Crosby se met à jammer avec Stephen Stills qui a, lui aussi, du temps libre après l’éclatement de Buffalo Springfield. La paire est bientôt rejointe par Graham Nash, un Anglais en rupture d’avec les Hollies, pionniers de ce que les Américains ont appelé la British Invasion.
Crosby, Stills and Nash constitue, de facto, un “supergroup”. Paru fin mai 1969, leur premier album est un chef-d’œuvre et trouve directement son public. Comme compositeur, Crosby s’y fait remarquer par une ballade devenue classique, “Guinnevere”, ainsi que “Wooden Ships” où il exprime sa passion pour la navigation, et “Long Time Gone”, un classique également.
Un dimanche après-midi à Woodstock
Rapidement rejoint par le Canadien Neil Young, ex-Buffalo Springfield comme Stephen Stills, le désormais quatuor de stars entame une tournée affichant complet. Leur deuxième concert a lieu à Bethel, dans l’État de New York, le dimanche 17 août 1969 à 15h. Ce passage très remarqué au festival de Woodstock, devant 4 ou 500 000 jeunes – à partir d’un moment, on n’a plus compté – a été un formidable amplificateur de popularité pour le quartette et ses quatre individualités.
D’abord en acoustique, puis en électrique avant un rappel acoustique, le concert de seize titres se termine sur “Find the Cost of Freedom”, une chanson de Stephen Stills qui fustige la guerre au Vietnam. Dès ce moment, David Crosby et ses acolytes deviennent les symboles de la génération “peace and love”, des représentants éminents de la mystique et de l’utopie hippie. Paru le 11 mars 1970, Déjà vu, premier album de CSN&Y, avait engrangé deux millions de précommandes aux États-Unis.
De Crosby, outre la chanson titre, l’album contient “Almost Cut my Hair”, ainsi que “Woodstock”, écrit et composé par Joni Mitchell. Pour cette formidable musicienne, David Crosby avait subtilement réalisé le premier album, Song to a Seagull (1968). Avec elle, il partage également un goût prononcé pour le jazz, une influence marquante, au point qu’il appellera son dernier fils Django.
Au sommet de sa popularité, le Californien sort, enfin, son premier album. Pour If I Could Only Remember My Name (1971), il rameute tout ce que San Francisco compte comme pointures, membres du Grateful Dead et de Jefferson Airplane, ainsi que Neil Young et Graham Nash. Avec ce dernier, David Crosby enregistre plusieurs magnifiques albums en duo. Quant au groupe CS&N, le plus souvent sans Y, il passe régulièrement de rabibochages en dissolutions plus ou moins fracassantes.
L’irréductible Californien n’est certes pas un facile. Au milieu des années 1980, il est condamné pour détention de cocaïne et port d’arme – un Colt.45 ! – et passera de cures de désintoxication à incarcération. De ses difficultés, il ne cache rien dans Long Time Gone, son autobiographie parue en 1988, ainsi que dans l’album Yes I Can l’année suivante. Ce qui ne l’empêchera pas d’être repris par ses démons en 2004.
De renaissance en résurrection
Avec un grave accident de moto et une hépatite C nécessitant une greffe de foie, financée par Phil Collins, la décennie 1990 n’est pas plus clémente pour David Corsby. Il se relève une nouvelle fois en créant le groupe CPR, qui comprend son fils James Raymond. Les tournées de CS&N se font régulières et, lui qui produisait un album tous les vingt ans, commence à les enchaîner à partir de Croz, son surnom, en 2014, jusqu’à l’excellent For Free en 2021.
Orpheline depuis sa disparition, à 81 ans, le 18 janvier, la génération “peace and love” n’oubliera jamais le regard plein de défi de David Crosby, et se réconfortera à ses chansons empreintes de douceur et d’humanité.