Beyoncé, du girls band à la toute-puissance
Les places pour son passage à Bruxelles en mai se sont écoulées en moins d’une heure. Aucun autre artiste ne possède autant de Grammy Awards. Analyse du phénomène “Queen B”.
Publié le 12-02-2023 à 13h19 - Mis à jour le 12-02-2023 à 13h22
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Vendredi 10h01, la vente pour l’unique concert que donnera Beyoncé en Belgique le 14 mai vient de commencer, et environ 100 000 personnes patientent déjà nerveusement dans la file d’attente. Quelques minutes plus tard, 20 000 personnes supplémentaires rejoignent ce cortège virtuel. Il y aura forcément des déçus, le Stade Roi Baudouin (Bruxelles) ne peut accueillir “que” 50 000 spectateurs.
Une petite heure plus tard, tout est évidemment vendu. Le tarif, de 63 à 182 euros pour les places “normales”, près de 2700 euros pour un package VIP, n’a pas découragé la horde de fans. Et la Belgique n’est pas un cas particulier, dans le monde entier, les stades affichent complets en un temps record. Quarante-cinq minutes pour remplir le Stade de France. Quelques minutes à Londres. L’engouement est inouï, mais attendu.
En une dizaine d’années, l’artiste américaine s’est érigée en figure incontournable de la pop, en impératrice suprême de l’industrie musicale. Chacun de ses passages crée l’événement. Aujourd’hui peut-être plus encore, puisque sa dernière tournée internationale remonte à 2016.
Explorer les styles
Surnommée “Queen B” par sa gigantesque communauté de fans, Beyoncé Knowles viendra défendre son dernier album, Renaissance. Sorti au milieu de l’été dernier, le disque rend hommage à la musique house et la culture club. Un virage électronique étonnant, pour l’artiste qui s’est fait d’abord fait connaître dans le R&B, notamment comme meneuse du groupe Destiny’s Child au début des années 2000 (“Say My Name”, “Survivor”). Cette capacité à se renouveler explique, en partie, sa notoriété et sa longévité. Depuis ses débuts, Beyoncé met un point d’honneur à se rendre là où on ne l’attend pas. Ce qui la maintient, depuis tout ce temps, largement au-dessus de la mêlée.
Paru en 2003, son premier album solo – Dangerously In Love – fait instantanément un carton, et comporte notamment le tube “Crazy In Love”, sur lequel on retrouve le rappeur le plus en vue de l’époque, Jay-Z, qui deviendra par la suite son mari. Le disque se vend à onze millions d’exemplaires et prend la tête des classements américains. Beyoncé décide alors de quitter les Destiny’s Child. Elle a 22 ans et, déjà, les clés du succès entre ses mains. L’interprète, qui a coécrit et produit tous les titres, enchaîne avec B’Day (2006), I Am… Sasha Fierce (2008), 4 (2011) puis Beyoncé. Un disque plus sombre, plus risqué, sur lequel elle parvient à rendre extensible les frontières de la musique pop. On pourrait la croire fatiguée, lassée, mais Lemonade, sorti en 2016, enfonce le clou et devient l’une des œuvres culturelles les plus importantes de ces dix dernières années.
Une voix politique
Lemonade s’accompagne d’un film de 65 minutes, qui donne aux chansons une autre dimension. Un coup de maître qui inspirera d’autres artistes, comme le rappeur Kanye West. Excellente businesswoman, Beyoncé maîtrise parfaitement sa communication et les techniques de marketing. Les fans se souviendront, entre autres, de la mise en ligne de son album éponyme sur Itunes en 2013, sans aucune annonce au préalable. La surprise fonctionne, les ventes s’affolent. La stratégie est devenue courante aujourd’hui, mais était relativement inédite à l’époque.
Mais ce que l’on retient avant tout de Lemonade, reste son message politique. Les titres ont été conçus comme autant d’hymnes d’émancipation pour la communauté afro-américaine, et s’inscrivent directement dans la lutte pour les droits des personnes noires aux États-Unis.
Au sommet de sa carrière, l’artiste de 41 ans sensibilise le monde au racisme systémique et revendique sa position de femme noire. Aux discours creux et consensuels, l’interprète de “Halo” préfère les interventions engagées et militantes. Quitte à se mettre une certaine partie de l’Amérique à dos.
Elle donne également de la voix pour soutenir la lutte pour le droit des femmes. Que ce soit en intégrant le discours de l’icône féministe Chimamanda Ngozi Adichie dans une chanson ou en s’entourant uniquement de femmes musiciennes sur scène.
Une performeuse hors pair
La scène, d’ailleurs, reste le lieu où Queen B brille le plus. Chacune de ses performances se veut toujours plus extravagante, chorégraphiée, démesurée. Danseuse en plus d’être une grande vocaliste, la star offre tout ce que l’on attend d’un “grand show à l’américaine.” Son passage à Coachella en 2018 reste encore dans les mémoires, avec la centaine d’artistes (musiciens, danseurs, choristes…) qui débarquait sur scène à côté de la reine, vêtue comme une altesse nubienne… Aujourd’hui, plus que jamais, Beyoncé incarne l’image de la “femme qui sait tout faire”, une figure presque mystique, une icône intouchable. La semaine dernière, elle est devenue l’artiste la plus récompensée de l’histoire aux Grammy Awards, totalisant, 32 trophées, en vingt ans de carrière solo. Mais elle est aussi actrice, productrice, compositrice. Femme d’affaires, elle possède également sa propre ligne de vêtement. Ah oui, elle est qui plus est maman de trois enfants. Tout faire, on disait…