Solar, à la Monnaie : "Levez-vous ou chutez”
Confié aux jeunes chanteurs de la Monnaie, “Solar” fustige l’inertie orgueilleuse des humains.
Publié le 16-03-2023 à 17h18
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L’ambiance est celle d’un théâtre antique. Fiché dans une terre ravagée par la sécheresse, un rocher aux allures de dolmen occupe le centre d’une scène entourée de gradins, avec, face à l’entrée des spectateurs, un petit orchestre surplombant les coulisses. C’est donc dans une Salle Malibran, méconnaissable, que se donnait, mercredi dernier, la première de Solar de H. et A. Moody, un opéra faisant appel à toutes les jeunes recrues de la maison – une centaine de chanteurs et chanteuses – , auxquels s’étaient joints deux lauréats du MM, la soprano Emma Posman (Talus) et le contreténor Logan Lopez Gonzalez (Icare), ainsi que le ténor Michael J. Scott (Minos) et le baryton Kris Belligh (Dédale).
Le sacrifice de Talus
Lorsque la Monnaie proposa au compositeur britannique Howard Moody de composer ce nouvel opéra, le thème de l’environnement s’imposa immédiatement, avec comme point de départ, La Chute d’Icare, tableau mythique de Pieter Bruegel l’Ancien, exposé au Musée des Beaux-Arts de Bruxelles. Et pour que la transcription du message fasse mouche auprès du public visé – les jeunes et les familles –, Howard eut l’idée de confier le livret à sa fille Anna, familière de l’exercice. Dans la nouvelle approche de la jeune écrivaine, c’est à partir d’une faute originelle – le meurtre de Talus, cousin d’Icare, que son oncle Dédale sacrifie à ses ambitions –, que se déploie le dérèglement climatique qui nous accable aujourd’hui, le soleil (Solar) étant identifié à la nature elle-même, et représenté allégoriquement par le chœur des enfants.
Et autant ceux-ci sont vifs, mobiles, scintillants, et sans concession dans leur appel direct au sursaut, autant leurs aînés (le chœur des jeunes, représentant les apprentis) sont soumis à l’ordre du Labyrinthe dont ils portent les traces dans leur uniforme grisâtre…
Force dramatique des chœurs
Si le concept ne nous semble pas totalement abouti, ni exempt de simplisme, le spectacle lui-même s’impose à la fois par l’efficacité de la musique, l’inventivité de la mise en scène et l’extraordinaire prestation des chanteurs (solistes compris). En collaboration avec la chorégraphe Karine Girard, Benoît de Leersnyder a imaginé une direction d’acteur millimétrée, associant les grands mouvements de foule – quelle force dramatique peuvent déployer les enfants et les ados lorsqu’ils sont bien dirigés ! – et les interactions, parfois chorégraphiées elles aussi, des solistes. La prosodie habile de l’écriture vocale valorise pleinement la sonorité des chœurs – dont la direction est assurée par Benoît Giaux, et dont on soulignera la justesse, la puissance, la brillance – et la clarté du texte (en anglais, surtitré). Le tout porté par une musique colorée et expressive où cuivres et percussions ont la part belle, confiée à l’orchestre de chambre de la Monnaie, et placée sous la direction du compositeur.
La soirée du 15 mars se conclut dans une longue ovation, public, chanteurs et maîtres d’œuvre mêlés dans un même enthousiasme – et, peut-on espérer, une même détermination à agir.
-- > A la Monnaie (salle Malibran), le 17 mars, à 14h et 19h, le 18 mars, à 14h et 17h, le 19 mars à 11h et 14h. Infos : www.lamonnaie.be