Patrice Leconte nous livre "son" Tintin

L’homme qui rêve d’adapter "Les Bijoux de la Castafiore" se balade dans tout Tintin avec modestie et gourmandise.

Patrice Leconte est venu à Bruxelles présenter son abécédaire des aventures de Tintin.
Patrice Leconte est venu à Bruxelles présenter son abécédaire des aventures de Tintin. ©V.V.

Patrice Leconte, le réalisateur des Bronzés, du Mari de la coiffeuse, du fabuleux Tandem (avec Jean Rochefort et Gérard Jugnot) ou de Maigret (avec Gérard Depardieu), a profondément marqué le cinéma français. Mais, avant de passer derrière la caméra, l'homme a fait ses premières armes professionnelles dans la bande dessinée. Et pas n'importe où ni n'importe quand. Patrice Leconte a signé ses premières planches dans le magazine Pilote, le panthéon du IXe art surtout au tout début des années 70, quand le jeune dessinateur y pose ses bagages.

Cinquante ans plus tard, une carrière cinématographique bien remplie et qui est loin d'être terminée, le réalisateur touche-à-tout multiplie ces derniers temps les projets en bande dessinée avec ce Tintin de A à Z, mais aussi le coscénario (avec Jérôme Tonnerre sur un dessin d'Al Coutelis) d'un très bon polar dans le Paris de la Seconde Guerre mondiale, paru en deux tomes dans la collection "Grand Angle" de chez Bamboo (Deux passantes dans la nuit), sans oublier sa participation, ô combien déterminante, dans le véritable ovni qu'est Leconte fait son cinéma de Joub et Nicoby, publié l'année dernière aux éditions Dupuis. Un ouvrage dans lequel les deux hommes ont suivi Patrice Leconte pendant quelques mois. Ils nous offrent une immersion dans les coulisses du monde du cinéma et dans le quotidien du réalisateur. C'est tendre, drôle et formidablement réjouissant même pour les non-cinéphiles.

Cette multiplication des projets en appelle-t-elle d’autres et faut-il s’attendre à voir plus souvent Patrice Leconte en librairie que dans les salles obscures ?

Pas du tout. Le polar, c'est un projet qu'on avait pensé pour le cinéma avec mon compère Jérôme Tonnerre, puis on s'est rendu compte que ce serait difficile à faire au cinéma et on a bifurqué vers la BD. C'est un autre vieux compère, Al Coutelis, que je connais depuis près de 50 ans, qui s'y est collé. On s'était rencontré au magazine Pilote. Quant à Leconte fait son cinéma, j'avoue que j'ai accepté le projet sans trop comprendre ce qu'ils voulaient faire réellement. Je ne regrette rien, Joub et Nicoby sont vraiment très doués et on s'est finalement bien amusé.

Ce n’est donc pas une nouvelle carrière ?

Non. J’ai toujours voulu faire du cinéma, je suis très heureux ainsi et j’ai encore bien trop d’envie dans la tête.

Pour s’attaquer à cet abécédaire, il faut très bien connaître les aventures de Tintin ?

Quand on m’a proposé l’idée de cet ouvrage, je suis allé racheter toute la collection dans un box au format plus compact que les albums originaux. C’est d’ailleurs amusant de voir à quel point le fait de réduire un peu la taille des albums ne modifie en rien le plaisir de lecture. La lisibilité d’Hergé frôle la perfection.

Vous aviez un cahier des charges pour cet abécédaire ?

Rien. J’ai eu carte blanche. Je me suis amusé à épingler ce qui m’avait marqué.

Comme les insultes du capitaine Haddock…

Avouez que dans un abécédaire, il y a beaucoup de ses insultes qui trouvent naturellement leur place. En tant que lecteur, on sourit en les lisant, mais sans s’interroger sur leur sens. Donc, ici, j’ai pris le temps de me renseigner et j’ai découvert des tas de mots parfois vraiment interpellants.

Ce n’est pas le plus interpellant mais il y a le "saperlipopette" que votre président Emmanuel Macron a utilisé dans un débat…

Lui, je suis certain qu’il a dû lire Tintin quand il était petit…

Quel est l’album qui vous a le plus marqué ?

Les plus spectaculaires, ce sont Les 7 Boules de cristal, Le Sceptre d'Ottokar ou L'Affaire Tournesol.

Je pensais aux "Bijoux de la Castafiore"…

J'ai eu le malheur un jour de dire dans une interview que j'aimerais adapter ce titre. C'était spontané et j'aurais mieux fait de me renseigner avant de répondre. Je me suis ramassé Nick Rodwell sur le dos. Les droits de tout le catalogue Tintin ont été achetés par la Paramount. C'est très compliqué, c'est très long, mais je ne désespère pas. Les choses pourraient bouger dans un avenir proche. On doit parvenir à sortir Les Bijoux de la Castafiore de ce contrat.

Vous savez déjà comment vous voulez adapter cette aventure qui est peut-être la moins… aventureuse des Tintin ?

C’est un album très singulier, il se passe entièrement à Moulinsart. J’ai tout le film en tête. On peut s’autoriser des libertés si elles sont dans l’esprit de la BD, mais ce sera une adaptation extrêmement fidèle. Je veux que ce soit très proche en termes de cadres, de couleurs, d’aplats, d’absence d’ombre. Mais pour l’instant, il n’y a rien d’écrit. Je ne veux pas passer trois mois de ma vie à écrire un scénario si je n’ai aucune chance de faire le film. On ne peut pas vivre trop longtemps avec un espoir féroce, parce qu’après on ne peut qu’être déçu.

Vous vous êtes fixé une date limite ?

Non, j'ai très envie que ça se fasse. J'ai essayé un jour de faire passer l'idée qu'il fallait accélérer les choses parce que j'arrivais bientôt à mes 77 ans. Mais j'ai bien senti que cet argument ne troublait pas grand-monde. J'ai adoré le Tintin de Spielberg. Il a tout compris à Hergé, tout compris à Tintin.

--> ★ ★ ★ ★ Patrice Leconte | Tintin de A à Z | Abécédaire | Moulinsart/Casterman, 136 pp., 19,95 €

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