Comment le site du Cinquantenaire veut se métamorphoser pour 2030
Recouvrir la trémie, l’autoroute urbaine qui coupe le parc du Cinquantenaire en deux, et créer un grand dépôt visitable d’œuvres : ce sont deux pistes évoquées par ce projet très ambitieux.
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Publié le 20-04-2023 à 16h05
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Ce jeudi, l’auditoire du musée d’Art et d’Histoire au Cinquantenaire était bondé. Tous les partenaires et les experts étaient là, liés au grand Projet 50-200 de faire Cinquantenaire, un site du Bicentenaire de la Belgique en 2030 : créer un “nouveau phare socioculturel de la Belgique”, annoncé comme “le projet patrimonial le plus ambitieux d’Europe”. Avec une pléiade d’autorités sur la scène : les ministres fédéraux et bruxellois concernés, les bourgmestres des communes impliquées, jusqu’au commissaire européen au Budget, Johannes Hahn. Une manière de montrer l’engagement collectif pour ce projet, y compris de la Commission européenne dont les bureaux jouxtent le parc. Mais une preuve aussi de la difficulté qu’il y aura de coordonner autant d’acteurs.

C’était le lancement officiel du projet 50-200, un an après que le gouvernement fédéral ait exprimé son ambition de revaloriser le site.
Depuis lors, en septembre dernier, a été créée l’ASBL Horizon 50-200, mandatée pour développer, coordonner et transformer cette vision en un masterplan. Cette organisation est “une plateforme où les différents acteurs de la société civile peuvent se rencontrer, où les parties prenantes sur et autour du site du Cinquantenaire se concertent et où des plans sont développés sous la bannière Cinquantenaire 2030”.
La trémie
Jeudi, on en était encore à la phase de lancement et il faudra attendre fin 2024 pour connaître les contours précis du master plan pour le futur site. Mais des projets concrets sont évoqués :
– On veut recouvrir la trémie (la route qui traverse le parc en contrebas, à ciel ouvert, et qui coupe le parc en deux). Ce sera le geste symbolique majeur pour refaire du parc un poumon vert. Comment le recouvrir ? Qu’y mettre au-dessus ? Comment tenir compte de ce que sera la mobilité en 2030 et la place du vélo ? Un concours européen pour jeunes architectes de moins de 40 ans, dans le cadre du projet Europan 17, sera lancé avec la Commission européenne pour proposer des solutions.
– On veut faire évoluer les bâtiments des musées existants d’Art et d’Histoire d’un côté et de l’Armée de l’autre, en deux hubs. Un “hub patrimonial” autour du musée d’Art et d’Histoire et d’Autoworld, et d’autre part, un “hub Innovation”, autour du musée de l’Armée.
Dans ce cadre, l’idée est d’ouvrir au public, les deux grands halls vitrés occupés aujourd’hui par Autoworld et les avions du musée de l’armée.
Inspirée de l’exemple du formidable Depot du Musée Boijmans Van Beuningen à Rotterdam qui a attiré un nombre record de visiteurs grâce, il est vrai, à son architecture audacieuse, l'idée est d’utiliser le hall d’Autoworld pour y installer un dépôt commun aux musées fédéraux, où les collections seraient regroupées et conservées dans de bonnes conditions et à un coût maîtrisé. Ce dépôt pourrait être en partie visitable.
– Par ailleurs, le rez-de-chaussée de la grande Halle Bordiau qui jouxte le musée de l’Armée, sera transformé de manière temporaire en espaces d’expositions préparées par l’ASBL Horizon 50-200 et la politique scientifique. On annonce pour la fin de l’année une exposition scientifique et culturelle Vers de nouveaux mondes, ou l’exploration belge à travers le temps et l’espace, à l’occasion des 10 ans de règne de Philippe, des 125 ans de l’hivernage du Belgica en Antarctique et à l’occasion de la présidence belge du conseil européen de janvier à juin 2024. Ensuite, en 2024-2025, on prévoit une exposition sur le “rôle du musée au XXIe siècle”.
Le budget
D’autres projets animeront le site d’ici 2030, à l’occasion par exemple du 21 juillet. Un Outdoor Lab a déjà été lancé qui propose des gestes certes encore modestes mais qui ont la particularité intéressante de placer l’artiste contemporain au centre et la rencontre comme objectif, en créant une agora, un “polylogue”, un mot qui désigne un dialogue tous azimuts. Une plateforme où artistes et visiteurs du site peuvent dialoguer. Nous avons déjà évoqué la participation de Pascale Marthine Tayou et de Els Dietvorst autour du Pavillon des Passions humaines dans le parc.
Au musée d’Art et d’Histoire, après la belle exposition en cours sur l’Égypte et les collections du musée, il y aura cet automne une exposition consacrée à Joseph Hoffman l’architecte du Palais Stoclet.
L’ASBL Horizon 50-200 qui gère le projet est présidée par Sophie Le Clercq qui, comme présidente du groupe de construction CIT Blaton, a l’avantage de bien connaître la gestion de grands travaux, tout en ayant un intérêt particulier pour la culture (elle fut au départ du Wiels et est l’épouse du peintre Yves Zurstrassen). Une ASBL a aussi l’avantage d’être pérenne et de ne pas être liée aux résultats des prochaines élections d’ici 2030.
On sait que c’est Paul Dujardin, l’ex-directeur général de Bozar qui a été choisi pour mener ce projet, entouré d’une petite équipe.
On a confirmé mardi qu’un budget de 156 millions d’euros est déjà décidé dont 75,3 millions promis par la Régie des Bâtiments et 80,6 millions via Beliris, l’outil financier du gouvernement fédéral pour des investissements dans la Région bruxelloise.
On notera que dans ce budget, à côté des budgets de rénovation des musées sur le site, 11,6 millions sont prévus pour les études pour le master plan et 77 millions pour sa réalisation.
Cela ne suffira pas. L’ASBL aura aussi comme tâche de lever des fonds supplémentaires auprès d’autres partenaires.
L’idée de départ de ce vaste projet vient du secrétaire d’Etat à la politique scientifique, Thomas Dermine (PS) : “L’ambition est grande. Le site du Cinquantenaire actuel est encore trop le miroir de la manière dont la Belgique a géré son patrimoine au siècle dernier. Le 200e anniversaire de notre pays est un moment unique pour proposer une vision d’avenir pour le site et incarner une vision pour notre pays. Le site rénové du Cinquantenaire deviendra ainsi peut-être le projet patrimonial le plus ambitieux d’Europe. Nous avons l’occasion de transformer le site historique en un campus des musées et institutions qui partagent les histoires d’une société riche de sa diversité, avec des expositions qui inspirent les générations futures et des institutions qui offrent une plate-forme de recherche et de rencontre au cœur de l’Europe.”
Le commissaire européen Johannes Hahn ajoutait : “Le Cinquantenaire est le cœur vert qui relie les habitants de Bruxelles et d’Europe. Nous avons la chance d’avoir un parc aussi unique près de chez nous. C’est pourquoi la Commission est heureuse de participer aux nouveaux plans qui reflètent une véritable coopération belgo-européenne. ”
Rappelons qu’en même temps, il faudra rénover les musées. On sait qu’au musée d’Art et d’Histoire, une partie du personnel a révélé être au bord du burn-out et être très critique sur la gestion du musée. Au même moment, on attend toujours la nomination d’un directeur effectif pour ce musée. Il semble que cette fois, après un premier appel à candidatures qui n’avait pas donné de candidats déclarés “valable”, il y en aurait un proposé par le Selor, l’organisme public chargé de la sélection. À suivre.