Être une femme libérée de 50 ans, c’est pas si facile
Nicolas Fargues se met dans la peau et l’esprit d’une femme qui doute.
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Publié le 27-04-2023 à 13h00
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En 2017, Nicolas Fargues dans Je ne suis pas une héroïne écrivait son autoportrait au féminin. Après avoir raconté dans ses livres précédents ses déboires de père et d'homme, ses névroses, anti-héros aussi attachant qu'horripilant, il s'imaginait dans la peau, la tête et l'esprit de Géralde, 30 ans, Française d'origine camerounaise, aux intérêts superficiels, fan d'Instagram et de FaceBook. Un exercice vertigineux que seul permet la littérature.
Ayant fêté l'an dernier ses 50 ans, c'est sans doute ce moment charnière qui l'a poussé à continuer dans la même veine et à s'imaginer dans La Péremption, dans la peau et la tête de Zélie cette fois. Celle-ci, à 50 ans, décide d'arrêter les cours d'arts plastiques qu'elle donne dans un lycée de banlieue. L'appartement qu'elle hérite à Lyon lui permet de changer de vie. Est-elle alors "périmée" ? Est-ce un âge pour une date de péremption, pour ce que Romain Gary décrivait dans Au-delà de cette limite votre ticket n'est plus valable ?

Zélie ne comprend plus bien son fils, Furio, qui milite dans une association LGTBQI +. Elle se sent "quelconque au sein d'une ville où tout le monde a trente ans". "Il ne me reste plus rien au présent, que des souvenirs. À ce stade de ma vie, je ne voyais pas ce que je pourrais représenter de plus sensé que cela." "Ma punition, c'était cette case si fade et si datée dans la nouvelle terminologie de nos espèces : Assignée femme."
Elle se dit qu'"une raison de vivre, cela peut se délaisser pour mieux que ça : se laisser vivre".
Bukavu
Nicolas Fargues n’est pas un habitué des mondanités parisiennes. Il se dit plutôt misanthrope - une manière de supporter son propre regard aigu et tendre sur la lâcheté des hommes modernes et le règne du consensus mou. Il est un moraliste aux romans charmants.
Mais le futur peut ménager des surprises, même à ceux qui pensent être dépassés. Zélie rencontre un soir, chez des amis, Shock - le surnom de Séraphin, un jeune Congolais venu de Bukavu, 20 ans de moins qu'elle, cool, qui a la conversation brillante et l'"élocution chantante". À nouveau, elle se conforte : "Tu es assez grande pour qu'on n'ait pas à te conseiller de rester prudente".
L’époque les avait définitivement pris de vitesse.
Elle entame alors une liaison avec lui qui l’amène jusqu’à Bukavu, jusqu’à l’Est du Congo, avec ses populations chaleureuses et ses dangers. Elle veut aider Shock à réaliser son rêve : un élevage de chèvres à développement durable, dans le Kivu.
Les livres de Nicolas Fargues ne se ramènent pas à un résumé. Leur charme tient à la manière avec laquelle il s’immerge dans ses personnages et décrit leurs rêves, comme leurs tourments. Il parvient à éviter l’essentiel des nombreux clichés qui pourraient surgir avec un tel sujet, grâce à l’acuité de son regard sur notre époque et ses travers, grâce aussi à son humour et à la tendre humanité qu’il donne à ses personnages.
--> ★ ★ ★ Nicolas Fargues | La péremption | roman | P.O.L. | 194 pp. Prix 19 €, version numérique 14 €