Un autre regard, subtil, sur la guerre
Beuriot et Richelle reviennent - enfin - sur leurs "Amours fragiles", grande série sur fond de Seconde Guerre mondiale.
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Publié le 04-05-2023 à 11h00
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On ne pouvait les quitter comme ça ! Il y a 7 ans, déjà que se terminait le tome précédent des Amours fragiles de Beuriot et Richelle. Le volume était intitulé En finir. Martin Mahner, un des protagonistes, décidait de déserter l'armée allemande, craignant d'être accusé de participation - même passive - à l'attentat manqué contre Adolphe Hitler.
Depuis cette dernière case, qui en appelait d'autres, le duo nous a servi deux très belles œuvres (le polar Belle comme la mort en 2018 et l'historique Voltaire, le culte de l'ironie en 2019).
Longue trêve
Mais la saga sur la Seconde Guerre mondiale, largement saluée par la critique notamment pour son approche psychologique ou sa documentation, n'était évidemment pas terminée. Beuriot et Richelle, après cette longue trêve, nous reviennent avec Le pacte, un tome qui démontre que cette interruption n'a pas entamé la qualité du travail des deux hommes sur cette aventure qui, petit à petit, touche à sa fin.
Les auteurs nous immergent dans l’été 1944. Les forces soviétiques progressent sur le front de l’est, tandis que les troupes essentiellement américano-britanniques enfoncent les lignes allemandes à l’ouest. Le régime nazi vacille. Si certains tentent de se mentir sur l’issue fatidique de cette guerre, d’autres ont intégré que la défaite était inévitable. C’est dans cette "nouvelle guerre" qui n’est pas gagnée pour les uns, ni tout à fait perdue pour les autres, que l’on retrouve les protagonistes mais aussi de nouveaux arrivants qui fuient les exactions liées à la retraite des troupes allemandes.
Une saga qui dure depuis plus de vingt ans
"L'idée de base était de partir sur trois tomes, se souvient Philippe Richelle, le scénariste. L'accueil a été très bon. On s'est alors dit qu'on devait prendre le temps pour raconter cette histoire de femmes et d'hommes ordinaires rattrapés par des événements extraordinaires qui vont complètement bouleverser leurs vies."
"C'est une série qui demande aussi beaucoup de documentation, explique le dessinateur Jean-Michel Beuriot. Nous ne sommes pas des historiens, et si nous voulons être crédibles, si nous voulons emmener les lecteurs dans notre histoire, il faut que ce soit juste et cela demande du travail, de la précision, et donc du temps."
La saga, commencée en 2001, réussit le tour de force de présenter, avec finesse, les grands épisodes d'une guerre sans jamais la montrer. "Ce ne sont pas les combats qui nous intéressent, c'est le comportement des femmes et des hommes qui les subissent et comment ils interagissent avec ces événements."
Vision humaine
Beuriot et Richelle proposent donc une "vision humaine" de ces années noires en se maintenant en permanence à hauteur d’hommes. Une humanité qui a permis à cette série - qui devrait se terminer au tome 9 - de rencontrer un succès mérité depuis plus de vingt ans.
Un délai qui suscite des interrogations chez le scénariste. "Ça peut paraître paradoxal, explique-t-il. Évidemment, je suis heureux qu'on nous ait laissés le temps. C'est nécessaire si on veut avoir des œuvres qualitatives, mais quand on voit le rythme des séries sur les plateformes à la télévision, ou avec des mangas, il faut reconnaître que celui de la BD traditionnelle n'est plus adapté. La BD franco-belge doit se remettre en question et ça passe notamment par un investissement des éditeurs pour préfinancer des séries. C'est un enjeu réel si on veut conserver notre lectorat."
--> ★ ★ ★ ★ Beuriot - Richelle | Le pacte (Amours fragiles, tome 8) | bande dessinée | Casterman, 56. pp., 15,95 €