Concours Reine Élisabeth: dix minutes pour convaincre, un premier tour au pas de charge
Deux chanteuses belges passent en demi-finale. Les chanteurs coréens cartonnent.
Publié le 23-05-2023 à 18h54 - Mis à jour le 24-05-2023 à 11h42
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Sur papier, ce concours de chant 2023 semblait plus léger qu’à l’ordinaire : deux jours pour chacun des deux premiers tours, trois jours pour la finale, le mois de mai serait léger. Dans les faits, le premier tour se révéla évidemment d’une densité inversement proportionnelle à sa longueur : dix minutes, TTC, par candidat et plus ou moins 28 candidats par jour, c’est une double performance du côté de la scène et du côté de la salle.
La Corée brille au masculin
Il y eut des moments admirables, de divines surprises, quelques plages d’ennui et un constat implacable : les chanteurs coréens – quelle que soit leur tessiture – se sont révélés d’un niveau stupéfiant. Tous les chanteurs élus – huit en tout, dont le ténor Taehan Kim, 22 ans, le cadet de la session et un de ses potentiels champions – sont Coréens, tous sont des artistes originaux et talentueux, dotés des voix les plus puissantes et les plus riches de la session, leurs airs étaient idéalement adaptés à leur profil et leur maîtrise des langues était globalement irréprochable. Le mystère musical coréen (titre du film de notre compatriote Thierry Loreau) fut donc à l’œuvre, une fois encore. Mais un second mystère se glissa dans le premier : l’absence totale des chanteuses coréennes – soprano ou mezzo – dans la liste des demi-finalistes. Saturation des Caro nome et des Air du feu, abus de suraigus stridents ou artificiellement suspendus, manque de présence au texte, affectation, pour chacune de ces dix candidates, une réserve pourrait être invoquée, mais une éviction aussi radicale interpelle. Toujours du côté de l’Orient, deux sopranos japonaises s’étaient distinguées : Yukari Fukui, dont le Befreit de Strauss touchait au sublime, et la toute jeune Sawako Kayaki, en résidence à l’IOA (Gand), voix de lumière, émouvante, atypique, très musicienne ; elles ne seront pas au second tour.
Linsey Coppens et Margaux de Valensart, deux artistes accomplies
On se réjouira, par contre, de retrouver parmi les élues deux des quatre candidates belges, l’une et l’autre de fortes personnalités. Linsey Coppens, 29 ans, issue de l’IMEP, se présente comme mezzo, on l’entendrait bien soprano dramatique tant la voix est longue, puissante et brillante, aussi ductile et volubile dans l’air d’Urbain, le page des Huguenots de Meyerbeer, que stable et expressive dans Mahler. Qualités vocales assez comparables chez la soprano Margaux de Valensart, 31 ans, qui eut l’audace de chanter un extrait de La Voix humaine de Poulenc, faisant valoir des aigus assurés, un français naturel et éloquent, et une capacité rare à susciter l’émotion, comme le confirma ensuite l’irrésistible air de la Wally (Catalani). Sans avoir démérité, la mezzo Lotte Verstraeten et la soprano Kelly Poukens (que nous avions tant appréciée lors du concours Honda), n’ont pas été retenues.


La Juilliard School à l’honneur
On peut aussi noter la confirmation par le jury des divines surprises évoquées plus haut, en tête desquelles la contralto américaine Jasmin White, 29 ans, issue de la Juilliard School de New York, éclatante de talent et d’invention, qui mit le public à la fête avec l’hilarant Hence Iris (Semele de Haendel) avant de le faire pleurer sur un lied de Berg. Il en fut de même (en plus sobre) avec son compatriote Joseph Parrish, baryton de 24 ans, également de la Juilliard, attestant une élégance, une sûreté technique et un goût dignes d’un podium. Autres coups de cœur adoubés par le jury : la soprano portugaise Silvia Sequeira, 30 ans, tutoyant avec une égale autorité les héros de Wagner et les dieux de Gluck ; la soprano américaine Lubov Karetnikova, 30 ans, voix naturelle et ravissante, originale dans tous ses choix ; la très classieuse mezzo australienne Fleuranne Brockway, 30 ans, conjuguant le sens de la scène et le sens de l’intime ; la Française Juliette Mey, 23 ans, aux vocalises surnaturelles, ou encore la soprano canadienne Carole-Anne Roussel, 28 ans, artiste de la Chapelle, aussi à l’aise dans Donizetti que dans Menotti (large éventail…).
Listes des demi-finalistes, par ordre alphabétique
Fleuranne Brockway, mezzo, 30 ans, Australie
Linsey Coppens, 29 ans, mezzo, Belgique
Margaux de Valensart, soprano, 31 ans, Belgique
Daniel Gwon, baryton, 30 ans, Corée
Floriane Hasler, mezzo, 29 ans, France
Junho Hwang, ténor, 24 ans, Corée
Daegyun Jeong, baryton, 28 ans, Corée
Inho Jeong, basse, 31 ans, Corée
Lubov Karetnikova, soprano, 30 ans, USA
Sungho Kim, ténor, bientôt 33 ans, Corée
Taehan Kim, baryton, 22 ans – le cadet -, Corée
Junoh Lee, basse, 28 ans, Corée
Marie Lombard, soprano, 25 ans, France
Alexandra Lowe, soprano, 32 ans, Grande Bretagne
Juliette Mey, mezzo, 23 ans, France
Julia Muzychenko-Greenhalgh, soprano, bientôt 29 ans, Russie-Allemagne
Anna-Sophie Neher, soprano, 32 ans, Canada-Allemagne
Mathilde Ortscheidt, mezzo, 32 ans, France
Joseph Parrish, baryton, 24 ans, USA
Carole-Anne Roussel, soprano, 28 ans, Canada
Sílvia Sequeira, soprano, 30 ans, Portugal
Jihoon Son, ténor, 32 ans, Corée
Maria Warenberg, mezzo, 27 ans, Pays-Bas
Jasmin White, mezzo, 29 ans, USA
Toutes les infos sur le site du concours : www.cmireb.be