Grand Corps Malade et attendri par ses deux petits cœurs

Les chansons "Définitivement" et "Tu peux déjà" mises en images par Thomas Baas pour un album d’allure moderniste.

Grand Corps Malade et attendri par ses deux petits cœurs

Sans doute sont-ils nombreux les enfants et adolescents qui rêvent d’avoir Grand Corps Malade comme père… Difficile, en effet, d’imaginer le slameur en parent autoritaire même si, à l’instar de chacun, il sera parfois rattrapé par la nécessité de sévir, par la crainte de mal faire, par l’angoisse de l’avenir.Rien de tel en tout cas que la pudeur et le slam pour dire des mots tendres sans en avoir l’air, avouer ses faiblesses et ses impatiences, bâtir des rêves comme d’autres des châteaux en Espagne… Et à ce jeu-là, Fabien Marsaud (Blanc-Mesnil, 1977) fait fort.

Il aurait pu être inhibé par les chansons de Renaud. Mistral gagnant, bien sûr, l'incomparable, l'inégalable. Ou encore, Chanson pour Pierrot, Morgane de toi, C'est quand qu'on va où…

Mais, "l'envie, confie le poète auteur-compositeur, était trop forte, les sentiments trop puissants. Les enfants sont bel et bien une source inépuisable d'inspiration".

Entre bitume et ventre arrondi

Dès lors, l’artiste s’est octroyé le droit, la légitimité de s’avancer sur ce terrain-là. Une génération plus tard, c’est à nouveau un chanteur en révolte, à la colère rentrée - ou pas -, un fils de communiste, qui s’aventure au pays de l’enfance et partage avec générosité une part de son intimité.

Voilà comment est né Définitivement, peu avant son premier enfant, en 2010.

Une ode à l'enfance entre bitume et ventre arrondi sous salopette en jean, qui évoque l'attente et la musique : "Quand je te parle tu donnes des coups, j'ai tes mouvements, tu as mes sons."

Une chanson aussi à la mélodie minimaliste mise en images grâce aux illustrations réalistes de Thomas Baas teintées d’une belle modernité, d’une ambiance citadine qui rappelle une balade dans Saint-Denis, la ville de naissance de Grand Corps Malade, puis dans Paris, où il vit actuellement.

Car comme sur un 45 tours, le lecteur a droit à deux chansons, à la face A et à la face B, à savoir Définitivement pour l'attente et, trois ans plus tard, Tu peux déjà, pour l'arrivée du deuxième enfant.

Malgré une balade au parc, au marché, les illustrations rappellent la solitude présente dans les tableaux de Hopper. Avec, en prime, des atmosphères pluvieuses sous ciel éminemment bas, l’isolement d’un ciré jaune de dos ou d’une silhouette en cape rouge qui tend la main à un adulte.

On y reconnaît aisément GCM avec sa canne, présent sur plusieurs images comme un père attentif, aimant et fragile à la fois, désarçonné devant tant d’émerveillement.

Définitivement résonne également comme une déclaration d'amour à la mère de ses enfants, à ses beaux yeux auxquels il fait une délicate allusion.

De la prudence à l’incertitude

En toile de fond, on entend la chanson, même sans la connaître, on devine la voix du chanteur, on scande le texte en le lisant à sa façon, on s’octroie le droit de se l’approprier, de découvrir les mots autrement.

C'est en tout cas une belle image de paternité qui en ressort avec des envies de transmission, de bêtises partagées, de découvertes, d'inévitables engueulades, de parti pris et d'échanges : "Je t'enseignerai la prudence, tu m'apprendras l'incertitude".

Même émotion et même découverte lorsque paraît le deuxième enfant, avec Tu peux déjà pour rappeler que "La deuxième fois, c'est toujours autant d'émotions" et toute une chanson pour ce deuxième petit bonhomme venu équilibrer la famille. Un slam illustré dans la continuité par une succession de scènes du quotidien, entre sorties au parc, lever trop matinal, jeux de société ou bouderies sur canapé.

Plusieurs clairs-obscurs ponctuent en outre les paroles de Grand Corps Malade dans ce très bel album et traduisent à merveille les petits faits et gestes d’une vie de famille. Peu importe que le papa soit chanteur ou pas.

--> ★ ★ ★ Grand Corps Malade et Thomas Baas | Définitivement et Tu peux déjà | Album | Les Arènes - Anouche Productions, 60 pp., 18 €

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