La Nouvelle Vague de Patrick Roegiers : virtuosité et amour du cinéma
Dans son nouveau roman, l'écrivain belgo-français Patrick Roegiers offre une célébration admirative, amoureuse même et néanmoins pleine d'humour, du cinéma. Plus particulièrement de la "Nouvelle Vague".
- Publié le 31-05-2023 à 07h00
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Voici, sans doute, le roman le plus virtuose de Patrick Roegiers, en même temps qu'une célébration admirative, amoureuse même et néanmoins pleine d'humour, du cinéma. Plus particulièrement de la "Nouvelle Vague" de cinéastes apparus en France dans les années cinquante et que Françoise Giroud réunit sous cette étiquette dans un article célèbre de L'Express.
Ces cinéastes s’appellent Agnès Varda, Louis Malle, Jean-Luc Godard, François Truffaut, Claude Chabrol, Jacques Rivette, Eric Rohmer. Ils seront bientôt rejoints par des réalisateurs déjà confirmés, tels Alain Resnais et Jean-Pierre Melville. Et l’on n’oubliera pas leurs producteurs, leurs scénaristes, leurs techniciens.
Fasciné depuis ses 15 ans
Patrick Roegiers, né à Ixelles en 1957, installé à Paris depuis 1983, fut acteur (aux Galeries, au Théâtre National), directeur d'une compagnie théâtrale, le Théâtre Provisoire (au titre prophétique), metteur en scène (notamment de Pauvre B…, une évocation de Baudelaire interprétée par Idwig Stéphane dans la salle des rotatives désaffectée de La Libre Belgique, à la Montagne-aux-Herbes- Potagères en 1978), critique photographique (500 articles dans le journal Le Monde), auteur d'une quinzaine de romans.
Aujourd'hui, il nous donne le roman d'un art qu'il n'a pas pratiqué, mais qui le fascine depuis qu'à 15 ans il le découvrit, en assistant au ciné-club de son collège Saint-Pierre à Uccle, à la projection du film Cléo de 5 à 7 d'Agnès Varda. Assez logiquement est-ce par cette "merveilleuse grand-mère de la Nouvelle Vague" qu'il entame son roman.
Une quinzaine de films suivront dont il nous raconte la trame et la réalisation sur la base d’une époustouflante documentation, mais en prêtant à leurs protagonistes des conversations, des rencontres (les dialogues d’André Dussollier avec Jean-Pierre Bacri sont inénarrables), et en assaisonnant le tout d’un humour formidable et malicieux. L’écrivain varie de style et de ton en fonction des films évoqués, car un livre, dit-il, est d’abord pour lui une question de langue.
Un tel roman, on l'aura compris, ne se résume pas, il se déroule. Et comme il est difficile d'arrêter une vague, l'auteur s'est laissé entraîner jusque dans les années 1990, en y incluant Maurice Pialat, Alain Resnais, Jacques Rivette et Claude Sautet, qui était communiste, "le seul vrai homme de gauche dans un mouvement qui penchait à droite".
Apport d’une modernité au 7e art
En dépit de leurs manières différentes de faire des films, qu'est-ce qui réunit ces cinéastes ? Dans une interview, le romancier a notamment relevé ce qui suit : ils ont inventé une nouvelle génération d'acteurs correspondant à la jeunesse et au physique de l'époque ; ils ont tourné dans la rue et dans des décors naturels avec des lumières naturelles ; ils ont improvisé une partie de leurs scénarios en fonction de leurs interprètes ou d'un imprévu au tournage ; ils ont réalisé des travellings à partir du toit d'une 2CV ; bref, ils ont apporté la liberté, l'invention, l'impertinence, la surprise, la modernité dans le cinéma français "qui en avait bien besoin".
Et voici que Patrick Roegiers les ressuscite dans leur façon de vivre et derrière leurs caméras, avec leurs idées, leurs préjugés, leurs amitiés, leurs disputes, leurs amours parfois aussi, mais on lui saura gré de nous avoir épargné tout voyeurisme graveleux.
Mais que seraient-ils sans leurs acteurs ? Voici donc Jean-Paul Belmondo (1m79) et Jean Seberg (1m56), Romy Schneider et Michel Picccoli, Maurice Ronet et Stéphane Audran, Jean-Pierre Léaud et Delphine Seyrig, Agnès Jaoui, Michel Bouquet, Yves Montand, Fabrice Luchini.
Il les campe avec un mélange d'admiration et de tendresse, et quelques fois avec un sourire en coin. Il en parle aussi merveilleusement : "Les acteurs ne meurent jamais. On les revoit vivants dans leurs films. Ils jouent la comédie, se costument, traversent les rôles, la vie, les époques et le temps. Si le personnage qu'ils incarnent meurt, ils se relèvent sitôt la prise terminée et reprennent tranquillement le cours de leur vie".
-->★ ★ ★ ★ Patrick Roegiers | Nouvelle Vague, roman | Roman | Grasset, 432 pp., 24 €, numérique 17 €
EXTRAIT
“Un film est fait de tous les films qu’on a vus. C’est surtout vrai pour les scènes qui ont lieu dans une voiture ou au lit”.