Concours Reine Elisabeth : les cadets de la session n’en sont pas au même stade
Taehan Kim se révèle un immense artiste, Juliette Mey reste rivée à la performance technique
- Publié le 03-06-2023 à 07h24
:focal(709x537:719x527)/cloudfront-eu-central-1.images.arcpublishing.com/ipmgroup/ROYHMO3YJJER3FLMEE5XCD37RU.jpg)
Le baryton coréen Taehan Kim, 22 ans, est le cadet de la session, il en est aussi un des grands favoris, notamment pour son goût, sa maturité et son sens dramatique. Son programme l’atteste, ouvert sur l’air de Wolfram (Tannhäuser de Wagner), donné avec intensité et recueillement. La voix et magnifique, riche et bien conduite, faisant régner dans tout ce qu’aborde le chanteur, un mélange rare d’élégance et d’autorité. Vient ensuite le second “Ich hab’ein glühend Messer” de Mahler de la soirée, tout aussi passionné que celui entendu en première partie de concert mais mieux contrôlé, et porté par cette voix si belle et si touchante, notamment grâce à son naturel et la sûreté de sa technique. Signé Korngold, “Mein Sehnen, Mein Wähnen”, l’air de Fritz, dans Die tote Stadt, met ensuite en évidence le lyrisme large et expressif du jeune baryton, et sa remarquable stabilité. La salle déjà surchauffée par Silvia Sequeira, explose en ovations à l’issue de chaque air. Dans l’air final, issu de Don Carlos de Verdi, on pleurerait bien avec Rodrigo, déchirant dans ses adieux au jeune prince, notant au passage une prononciation française digne des maîtres. On verrait bien Taehan Kim remporter cette session.
Virevoltante Juliette Mey
La mezzo-soprano française Juliette Mey, 23 ans – à peine quelques mois de plus que son confrère – aura ensuite fort à faire pour s’imposer mais son répertoire se situe à l’autre bout de la galaxie : voix légère, de type colorature, et d’une agilité stupéfiante, ainsi qu’elle le démontre immédiatement dans un air de pure virtuosité signé Vivaldi (Costanza, dans Griselda). Peu de musique à ce stade, on est dans la performance. L’extrait de The Saint of Bleecker Street de Menotti change la donne et on y découvre la jeune française dans le pur lyrisme, dont elle a le tempérament et la technique mais non la chaleur, ni les couleurs. Air sur mesure, ensuite, avec “Enfin je suis ici”, issu de Cendrillon de Massenet inscrite dans le droit fil de cette personnalité ardente et impétueuse. C’est une autre Cendrillon, italienne cette fois, qui bouclera le concert, avec “Nacqui all’affano” de la Cenerentola de Rossini, maîtrisé certes, et même brillant, mais peu habité sur le plan dramatique et dépourvu, une fois encore, de couleurs et, ceci expliquant cela, d’émotions. Les moyens de Juliette Mey sont impressionnants, son énergie est infinie, mais son art est encore vert.
